Au point de vue politique, l’arrangement projeté aurait, pour les deux parties, l’avantage commun de mettre fin à une lutte stérile, de rétablir la solidarité de leurs intérêts, de faire disparaître le sujet de malentendus incessans et de récriminations regrettables.
Sans aucune concession dont sa dignité eût à souffrir, sans aucune infraction à ses engagemens envers les puissances centrales, l’Italie y gagnerait de renouer des rapports normaux avec la France, d’écarter l’une des causes qui contribuent à l’accroissement continu de ses charges militaires, d’alléger les souffrances de son agriculture par la réouverture de nouveaux débouchés, de retrouver des moyens de crédit et d’entourer la paix sociale de plus solides garanties.
Quant à la France, elle pouvait espérer du nouvel état de choses un bénéfice plus grand encore. L’abaissement de ses taxes à l’importation n’allait-il pas rétablir les courans d’affaires qui faisaient jadis des producteurs italiens les grands fournisseurs de ses marchés ? Si ce régime fonctionnait régulièrement, ceux-ci ne tarderaient pas à en apprécier assez le profit pour y tenir fermement et le défendre au besoin. Qu’il survînt alors un incident susceptible de mettre en question la paix européenne, croit-on que nos voisins seraient aussi disposés qu’auparavant à pousser les choses à l’extrême, à prendre parti, à affronter les risques d’un conflit qui déterminerait la France à relever au plus tôt ses barrières de douane, en usant de la faculté qu’elle aurait eu soin de se réserver ? Croit-on qu’en présence d’une semblable éventualité, les Pouilles et les Calabres, la Sicile et la Sardaigne, et beaucoup d’autres provinces encore, directement menacées dans leurs intérêts vitaux, ne feraient pas entendre bien haut leur voix pour conseiller la prudence et prévenir le péril d’une crise nouvelle ?
Inutile d’insister davantage. S’il nous était impossible de détacher les Italiens de la Triple Alliance, il nous restait du moins la ressource de leur créer des intérêts opposés, et le moyen de paralyser ainsi leur action dans une certaine mesure.
Voilà le but nouveau que je devais assigner désormais à mon action à Rome. Mais que d’obstacles à surmonter ou à tourner, avant de l’atteindre !