Cinq ans plus tard, j’étais envoyé à Rome, comme ambassadeur près le roi d’Italie, avec la mission de travailler au rapprochement des deux pays.
À ce moment, nos rapports avec nos voisins du sud-est laissaient beaucoup à désirer. Depuis 1882, l’Italie avait pris nettement parti par son accession à l’alliance austro-allemande. Nous n’y avions trouvé tout d’abord aucun sujet de graves préoccupations, le gouvernement royal s’étant appliqué, avec les Depretis, les Mancini et les Robilant, à conserver à la Triplice le caractère d’un pacte exclusivement défensif, et à continuer des relations amicales avec la France. Mais les choses avaient changé de tournure depuis l’arrivée aux affaires de M. Crispi, dont la politique agitée semblait s’inspirer d’un esprit de provocation et d’une arrière-pensée de guerre générale. La dénonciation de notre traité de commerce, l’avortement des négociations engagées pour en conclure un nouveau, les tarifs différentiels venant consommer la rupture économique, les dissentimens survenus à propos des privilèges consulaires à Florence et des capitulations à Massaouah, les voyages de M. Crispi à Friedrichsruhe, tous ses discours et tous ses procédés avaient créé de chaque côté des Alpes une atmosphère chargée d’électricité. De part et d’autre les esprits étaient entretenus dans une défiance réciproque, qu’une presse imprudente s’ingéniait à surexciter. À la fin de 1888, il aurait été à craindre qu’une étincelle ne provoquât une conflagration, si la force des événemens et la sagesse des gouvernemens n’avaient conjuré le péril.
Le travail de conciliation commençait à l’arrivée à Rome d’un nouvel ambassadeur français, M. Mariani (novembre 1888), qui dépensait, pour le faire aboutir, des trésors de patience et de bonne humeur.
C’est sa tâche, interrompue par la mort en 1890, que j’étais chargé de poursuivre et de compléter.
Les circonstances y semblaient déjà moins défavorables. M. Crispi montrait une tendance à désarmer. Peut-être ses velléités agressives n’avaient-elles point obtenu les encouragemens qu’il attendait de Vienne et de Berlin, où l’on avait d’excellentes raisons pour souhaiter le maintien du statu quo et de la paix. Le