n’assistent pas, ou créer des sociétés de tempérance qui se recrutent uniquement parmi les personnes n’ayant nulle habitude de se griser, sont des jeux d’enfans.
On a fait quelque état du rôle et de l’influence de ces sociétés en Angleterre ; j’incline à penser que, si l’ivrognerie a été sérieusement enrayée chez nos voisins d’outre-Manche, ce n’est pas du tout à ces estimables associations, — dont les adhérens sont au nombre de deux millions et demi, pas davantage, — que l’honneur en est dû ; mais tout simplement à la législation fiscale : l’alcool paie, dans la Grande-Bretagne, un impôt de 500 francs par hectolitre, tandis qu’il n’est soumis en France qu’au droit de 156 francs. Cette dernière taxe, même grossie des droits d’entrée et d’octroi, reste bien inférieure à celle qui frappe les sujets britanniques. S’il se boit, proportionnellement à la population, plus d’alcool en France qu’en Angleterre et que dans n’importe quel pays du monde, cela tient peut-être à ce que cette boisson est soumise presque partout à une contribution plus forte que chez nous : 245 francs aux États-Unis, 252 francs en Hollande, 325 francs en Russie.
Notre parlement veut faire deux choses à la fois : surcharger l’alcool et dégrever les vins, cidres et bières ; il escompte la plus-value de l’impôt sur l’alcool pour combler le déficit qui résultera de la suppression des autres. Or il tombe sous le sens que, si le rendement du premier augmente dans la même mesure que la surtaxe, c’est qu’il n’en sera pas bu un litre de moins ; tandis que le but à atteindre c’est de priver, jusqu’à un certain point, les estomacs français de ce liquide. Il faut donc hausser artificiellement le prix de l’alcool, puisque aussi bien ce sont les classes populaires qui en absorbent avec le plus d’excès, et que l’ivrognerie bourgeoise, qu’une élévation de taxe n’entraverait pas, est assez rare dans notre république.
J’écris ceci d’ailleurs sans nulle illusion, ni aucune sorte d’espoir d’être entendu de personne. « Si je suis jamais roi, disait, en pataugeant dans la boue, un berger de jadis, alors je garderai mes brebis à cheval. » Il y a là moins de naïveté qu’on ne serait tenté de le croire, à voir le singulier usage que la masse fait du progrès. Un nombre énorme de prolétaires ne songent pas à profiter de leurs salaires, très supérieurs à ceux dont ils disposaient autrefois, pour se créer une existence plus confortable ou se former un petit pécule. Ils ne tirent, eux, les plus cultivés et les plus fiers des hommes de labeur qui soient au monde, ils ne