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de 815 000 à 165 000 hectolitres : celles de légumes et de céréales s’étaient élevées à plus de 500 000 hectolitres, impuissantes d’abord à combler le vide causé par la disparition des vins. Mais bientôt l’extension donnée à la culture des betteraves fournit un nouvel aliment : la mélasse, d’autant plus abondant que les procédés de fabrication du sucre n’étaient pas encore perfectionnés. La baisse de prix provoquée plus tard par les abondantes récoltes des États-Unis, en blé et surtout en maïs, développa la distillation des substances farineuses jusqu’en 1890, où cette branche manufacturière, paralysée par les droits de douane, perdit tout à coup la moitié de son importance. D’une façon autrement grave, les eaux-de-vie de vin avaient été frappées par le phylloxéra durant le même intervalle : réduites de 545 000 hectolitres, en 1876, à 27 000 seulement en 1880. Ce dernier chiffre demeura presque sans changement jusqu’à la fin de la crise, jusqu’à ce que le nouvel ennemi de nos cépages eût été mis dans l’incapacité de nuire.

Il y eut, durant cette période néfaste d’une quinzaine d’années, — celle des « quinze vignes maigres, » — une heure où l’on put croire les vieux alambics condamnés à se tarir tout à fait lorsque, vers 1886, il n’en sortit que 19 000 hectolitres d’esprit-de-vin. Les chiffres se sont heureusement relevés depuis, jusqu’à 100 000 hectolitres en 1893 et, plus tard, à 160 000, par suite de la reconstitution du vignoble. Si cette production ne retrouve pas, dans l’avenir, l’importance qu’elle avait précédemment acquise, c’est que le perfectionnement du « travail des vins[1], » joint au développement des moyens de transport, permet aux propriétaires de vendre des liquides qui n’avaient jadis d’autre débouchés que la chaudière du distillateur.


II

C’est aussi que les alcools du Nord, dont le prix allait sans cesse diminuant tandis que leur qualité s’affinait, avaient peu à peu accaparé sur le marché la clientèle des alcools du Midi ou de l’Ouest. Les deux millions et quart d’hectolitres de spiritueux qui, d’un bout à l’autre de l’année, sur la surface de notre république, suintent de l’extrémité des serpentins de cuivre, nuit et jour, en minces filets et, doucement encore, à doses lentes, sont

  1. Voyez dans la Revue du 1er octobre 1894, l’étude parue sous ce titre.