Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/954

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cemment abouti au règlement de la question du Niger. « Elle s’est terminée, a-t-il dit, par un arrangement véritablement honorable et satisfaisant pour les deux parties. » Voilà donc une affaire où il n’y a pas eu de piqûre d’épingle. Mais qu’on nous en cite une où il y en ait eu. Serait-ce au Siam ? La négociation, là encore, a été lente et laborieuse, mais, en fin de compte, nous avons accepté les propositions faites par l’Angleterre elle-même, et tout s’est si bien terminé à sa satisfaction qu’elle a cru devoir ajouter quelque chose à la nôtre, par l’engagement de régulariser notre situation respective en Tunisie. De longs mois n’en ont pas moins été encore nécessaires pour arriver à la solution promise, et l’Angleterre a été la dernière de toutes les puissances qui ait consenti à un accord définitif avec nous. Où est la piqûre d’épingle ? Est-ce à Zanzibar que nous l’avons donnée à l’Angleterre ? Nous avons renoncé pour elle aux vues anciennes que nous avions pu avoir sur cette partie de l’Afrique, et aux droits politiques qui dérivaient du traité de 1862, et nous lui avons demandé en retour la reconnaissance de notre situation à Madagascar, et un commencement de règlement des affaires de l’Afrique occidentale. Où est le coup d’épingle ? En vérité, lorsque nous avons vu, depuis, l’usage ou l’abus qu’a fait l’Angleterre des droits que lui a donnés la bataille d’Omdurman, nous aurait-il été interdit d’invoquer alors ceux que nous avait donnés notre expédition à Tananarive ? De quelque côté qu’on se tourne, notre politique s’est constamment faite au grand jour, et elle a été exempte de cet esprit de taquinerie sournoise qu’on lui attribue si gratuitement. C’est une légende que l’on crée contre nous, et contre laquelle nous protestons. Fachoda même n’a pas été un trait de cette prétendue politique. Tout le monde connaissait la mission Marchand ; nos journaux coloniaux avaient donné sur elle les détails les plus abondans ; des livres même avaient été écrits sur son compte. Personne ne s’est indigné que nous l’ayons envoyée sur le Nil ; on s’est indigné seulement qu’elle soit arrivée à son but. Mais nous ne voulons pas revenir, — à quoi bon ? — sur une controverse épuisée. Nous avons quitté Fachoda : que veut-on de plus ?

Faut-il prendre plus au sérieux un autre reproche qu’on nous adresse, et que sir Edmund Monson n’a pas manqué de reproduire, car il a tenu à être complet ? « Nous demandons à la France, a-t-il dit, de traiter avec nous tout différend avec le désir sincère d’arriver à un arrangement équitable, sans nourrir l’arrière-pensée de gagner une victoire diplomatique, ou de conclure un contrat dans lequel l’avantage serait tout de son côté. » Si nous avons jamais nourri cette arrière-pensée,