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soient capables de sentir les délicatesses d’un art… et qui sachent, par de chatouillantes approbations, vous régaler de votre travail. » (Bourgeois gentilhomme.) Et ce ne sont pas là, — on le sait, ou du moins on peut s’en convaincre aisément, — ce ne sont pas de ces passages artificieusement choisis, dont on aurait peine à retrouver les semblables ; c’est une manière d’écrire habituelle à Molière :

Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située
Qui veuille d’une estime ainsi prostituée,
Et la plus glorieuse a des régals peu chers
Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers.
( Misanthrope, I, 1.)

Le premier de ces deux on, c’est nous, et le second c’est les autres : nous avons vu que cette faute était ordinaire à Molière. « Avoir des régals peu chers » n’est pas d’une meilleure langue que le fameux « Et nous berce un temps notre ennui » du sonnet d’Oronte ; et la métaphore est assurément moins jolie. S’il n’est pas douteux que « la plus glorieuse » se rapporte, selon le sens, à « estime, » c’est à « âme » que la grammaire le rejoindrait naturellement. Une « âme un peu bien située » n’a jamais été synonyme d’ « un cœur bien placé. » Tous les défauts du style de Molière sont réunis dans ces quatre vers. Considérons encore ces quelques lignes de l’Avare : « Je n’aurais rien à craindre, dit Élise à Valère, si tout le monde vous voyait des yeux dont je vous vois, et je trouve en votre personne de quoi avoir raison aux choses que je fais pour vous. Mon cœur, pour sa défense, a tout votre mérite, appuyé du secours d’une reconnaissance où le Ciel m’engage envers vous. » « Avoir raison aux choses que l’on fait » est une locution barbare, que des locutions analogues, si l’on s’évertuait, comme M. Livet dans son Lexique, à en chercher, et qu’on en trouvât, n’excuseraient point. « Mon cœur, pour sa défense, » est amphibologique, si ce n’est nullement du « mérite » de Valère ou de son propre penchant, à elle, qu’Élise ici songe à « se défendre, » mais du jugement que le monde fera du choix de son « cœur. » Le « secours d’une reconnaissance où le Ciel engage Élise envers Valère ; » ce « secours » appuyant ce « mérite ; » et ce « mérite » suffisant à « la défense de ce cœur, » sont du pur galimatias. Combien d’autres exemples ne pourrait-on pas apporter ! Des « naturels rétifs » qui se « raidissent contre le droit chemin de la raison ; » les « malheureux restes d’une succession