Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/782

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces sortes d’événemens se produisit : la Sorbonne intervint, le Parlement se saisit ; le Conseil évoqua l’affaire. La cour, qui, parmi tant de difficultés intérieures, n’avait pas besoin de cette complication, eût bien voulu étouffer l’incident. Mais les plumes étaient déchaînées. Les chaires et les prêches retentissaient des discussions et des contradictions les plus véhémentes. Richelieu pensa que l’occasion était excellente pour ne pas laisser oublier qu’il existait, qu’il avait, comme évêque, la garde du troupeau du Christ, et pour faire entendre le mot de l’homme d’Etat dans une question qui touchait tout autant à la politique qu’à la religion. En moins de trois mois, il écrivit, imprima et publia un livre de deux cent cinquante pages, fortement charpenté, solidement écrit, bourré de textes et de citations qui témoignaient sinon d’une érudition spéciale, bien particulière, du moins d’une rare faculté d’assimilation. On pourrait résumer en deux mots le caractère général de ce livre : c’est un « Exposé de la foi de l’Eglise catholique sur les matières de controverse, » ressemblant, par beaucoup de points, au livre que Bossuet publia sous ce titre, cinquante ans plus tard.

C’était un coup hardi, pour un évêque, d’écrire un ouvrage d’une telle portée ; c’est un grand mérite, pour un théologien, de l’avoir fait sans donner prise à une critique décisive ; mais c’est un succès plus rare et plus précieux encore, pour un homme d’Etat, d’avoir pu le publier sans soulever des mécontentemens graves, soit chez ceux qu’il combattait, soit chez ceux mêmes dont il prenait la défense. Ce morceau est un chef-d’œuvre de tact et de mesure, qualités rares alors dans ce genre d’écrits. Toute l’habileté consiste dans la franchise et la modération avec laquelle les problèmes les plus délicats sont abordés. Dès les premières lignes de la préface, l’évêque le prend sur le ton de la conciliation, de la courtoisie, et de la tolérance. On dirait qu’il a déjà en tête le projet de réunion des Eglises qu’il caressera à différentes époques de sa carrière politique. Il fait la concession décisive du débat libre et égal entre les deux systèmes. Il écarte résolument l’appel à la force, rejetant ainsi la maxime qui avait été celle de tout le XVIe siècle et au nom de laquelle s’étaient faites les guerres de religion : cujus regio, ejus religio. « En ce débat, dit-il, j’userai de la plus grande modération… et traiterai mes adversaires avec tant de douceur que, s’ils se dépouillent de passion, ils auront sujets d’en être contens. par-là, ils connaîtront que mon dessein