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des officieux adressées à l’évêque de Luçon, que son parti est fort désemparé et que la place est prête pour ses rivaux, c’est-à-dire pour ceux qui poussent à une rupture complète avec la cour et à une prise d’armes.

Luynes, sentant que la reine a perdu son conseiller le plus prudent et son meilleur appui, la pousse vers les fautes irréparables. D’une part, on la blesse par toute une série de mauvais procédés qui, avec son caractère irascible, lui rendent la vie insupportable ; d’autre part, on envoie auprès d’elle ce Modène, confident de Luynes, pour surveiller toutes ses actions, pour corrompre ses serviteurs, pour écarter les fidélités, tantôt un secrétaire mis là par Richelieu, tantôt une sœur de celui-ci qui devait prendre service auprès de la reine. Et tout cela profite à Bonzy, à Ruccellaï et à leur cabale.

Richelieu ressent vivement toutes ces piqûres. Il écrit à sa sœur : « Je suis si malheureux, principalement cette année… » et il déplore, à voix basse, «… un temps auquel il semble que l’on est mis en oubli par ses amis. » En septembre, il a un moment de véritable découragement. Abattu, souffrant de son éloignement et de son isolement, le cœur lui crève. Après trois mois de silence, il reprend la plume. C’est une lettre à Déagent, où il implore ses bons offices, « en considération de l’amitié que vous m’avez toujours promise, » et à laquelle, dit-il, il continue à croire, « quelques efforts que l’on ait faits pour le lui aliéner. » C’est une lettre à Luynes, pour le « supplier » de le « protéger » auprès de Sa Majesté. C’est une lettre au roi lui-même, où il rappelle la promptitude avec laquelle il a été au-devant des désirs de la cour, en s’éloignant du séjour de la reine mère : « Depuis ce temps-là, j’ai vécu en ma maison, priant Dieu pour la prospérité de Votre Majeté, et recherchant parmi mes livres une occupation convenable à ma profession. On m’a toujours témoigné que la volonté de Votre Majesté était que, dans quelque temps, je retournasse près de la Reine votre more. Même, il lui a plu me mander qu’Elle en était assurée de bonne part ; sur cela j’ai attendu l’honneur de ses commandemens. Je croyais, Sire, qu’en me gouvernant de la façon non seulement demeurerais-je exempt de blâme, mais même que mes actions seroient approuvées de ceux qui me voudroient le moins de bien. N’ayant pas eu ce bonheur que je me promettais, je tâcherai de l’acquérir à si bien faire que ceux qui me rendent de mauvais offices se ferment la bouche d’eux-mêmes : c’est, Sire,