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aux deux pays, parce que c’est toujours une bonne chose que d’échanger ses produits dans des conditions égales, et nous avons éprouvé pendant dix ans que c’en était une mauvaise d’être empêché de le faire. Enfin une détente s’étant produite, il fallait lui donner une consécration. Si quelque chose nous étonne, c’est que près de deux années de négociations aient été nécessaires pour cela, car l’entente paraissait facile dans les termes où elle s’est faite. Au surplus, la conclusion en est venue à un moment opportun, et ici encore on peut voir la différence des temps. Ce n’est pas au lendemain d’une controverse pénible, et presque d’un conflit entre l’Angleterre et nous, que l’Italie d’autrefois nous aurait témoigné une sympathie qui prouve en même temps son indépendance. Et ce sont là des nuances auxquelles les diplomates ne sont pas les seuls à être sensibles.


La Commission hispano-américaine réunie à Paris pour rédiger le texte définitif du projet de paix est sur le point de terminer ses travaux. Après s’être dit de part et d’autre tout ce qu’on avait à se dire, il ne reste plus qu’à conclure. Il semble d’ailleurs qu’on soit aussi éloigné que possible de s’être entendu sur le fond des choses, et que le dissentiment ait été chaque jour en s’accentuant au lieu de s’atténuer. Mais le moment est venu où il faut qu’une des deux parties cède, ou que la guerre recommence. C’est probablement à la seconde solution qu’on s’arrêterait, s’il y avait encore quelque proportion entre les forces en présence ; mais, comme il n’y en a aucune, et qu’on ne peut pas à Madrid se faire d’illusion à cet égard, c’est la première qui l’emporte. L’Espagne commettrait une véritable folie si elle essayait de résister par la force. Elle a fait, et très largement, tout ce que l’honneur lui commandait ; elle ne peut aujourd’hui que s’incliner devant une nécessité inéluctable. Les dernières nouvelles annoncent que c’est ce qu’elle a fait.

Le dissentiment a porté sur deux points : la dette de Cuba et la situation des Philippines. On savait fort bien à Washington, le 12 août dernier, au moment de la signature des préliminaires de paix, qu’on n’était pas plus d’accord sur l’un que sur l’autre ; mais, si l’on avait voulu s’y mettre, la guerre aurait immanquablement et indéfiniment continué. On a mieux aimé n’y pas regarder de trop près, et renvoyer à plus tard la solution de la difficulté ; en quoi on a eu raison, car il fallait avant tout empêcher la prolongation d’une guerre devenue inutile, si même elle ne l’avait pas toujours été. Mais on aurait tort aujourd’hui de se montrer surpris de ce qui arrive. Il était sûr que, dès qu’on