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REVUE DRAMATIQUE

THEATRE DU VAUDEVILLE. — Le Calice, pièce en trois actes, par M. Fernand Vandérem.


Une femme sait que son mari la trompe. Elle l’aime. Que va-t-elle faire ? La question a été maintes fois portée de la vie au théâtre. Cette situation de la femme trompée et encore aimante a inspiré une foule de drames et de comédies, elle en inspirera une foule d’autres, à moins que les maris ne deviennent subitement fidèles ou que subitement l’amour ne cesse de s’égarer sur les têtes les plus indignes. Elle fait le sujet du Calice, la pièce que vient de donner M. Fernand Vandérem et qui est pour le jeune auteur un brillant début au théâtre. M. Vandérem s’était fait naguère une jolie réputation de « spirituel chroniqueur ; » il en eut vite compris la vanité. Curieux des spectacles de la vie, mêlé au monde, observateur, fureteur, il devait trouver dans le roman une forme mieux en accord avec ses ambitions littéraires. Les trois romans qu’il a donnés jusqu’aujourd’hui sont d’un écrivain laborieux, consciencieux, probe. Il s’y est fait, sans recherche de l’originalité à tout prix, une manière qui lui appartient. C’est une manière triste. M. Vandérem a beaucoup de bon sens, il a un jugement droit, il a la vision nette du réel. D’un coup d’œil qui perce à la façon d’une vrille, il pénètre jusqu’à la réalité positive et laide qui se cache sous le prestige des formes élégantes, sous le mirage des théories et des mots. Au-dessus de cette réalité il ne voit rien et il ne croit pas qu’il y ait rien à voir. Appliqué à déjouer les mensonges conventionnels de la société et de la morale, tout ce qui fait mine de s’élever au-dessus d’un certain niveau, pris à ras de terre, lui semble mensonge et convention. Qu’il y ait des raisons d’admirer l’humanité ou de la plaindre, ce n’est pas son affaire de le savoir. Il n’y a dans ses livres ni émotion, ni tendresse, ni poésie ; sa manière est directe et précise, nette et nue, avec quelque chose de sec et de dur. C’est avec la même clairvoyance et la même franchise, en homme qui ne veut ni être dupe, ni duper son