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LA JEUNESSE DE LECONTE DE LISLE

Ces promesses étaient sincères, mais la réalisation n’en pouvait être immédiate. Il fallait que l’étudiant, frappé des censures universitaires, obtînt l’autorisation officielle de prendre une nouvelle inscription. Le 10 décembre 1839, Charles écrit à ses parens son regret « que ses lettres ne soient pas accompagnées des preuves de sa bonne volonté à recommencer son droit. » Le ministre de l’Instruction publique et le recteur d’Académie étaient moins pressés de s’associer à son repentir, et d’aider à la levée des mesures de rigueur paternelles, car M. Leconte de l’Isle avait coupé les vivres à son fils, qui, d’ailleurs, se reconnaissait « encore fort heureux d’avoir une chambre et une pension que certainement il ne méritait pas. » Enfin, le 14 janvier 1840, toutes les difficultés ayant été aplanies, l’étudiant repentant put prendre une inscription « pour faire suite à celle prise en janvier 1839, celles de novembre 1838 et d’avril 1839 ayant été annulées : Mme Liger se faisait, auprès de Mme Louis Leconte, la messagère de la bonne nouvelle ; elle garantissait les excellentes dispositions de Charles et implorait un adoucissement aux sévérités de son oncle. Elle écrivit à sa cousine :

« Charles désire une redingote ; il l’a même commandée. Peut-on le laisser faire ? Il en a grand besoin et il serait à craindre que, si on lui refuse tout, il pourrait se dégoûter de son droit, qu’il suit dans le moment très exactement. » Il y avait même, peut-on penser sans trop de malice, quelque exagération dans ce zèle d’étude et de claustration, car Mme Liger est obligée de constater qu’elle ne voit jamais son jeune parent.

M. Louis Leconte avait notifié aux cousins de Bourbon la reprise des études de leur fils. C’était si imprévu que M. Leconte de l’Isle avait quelque peine à croire à la sincérité de ce retour. Aussi écrivait-il à Charles, au commencement de janvier 1840, que, s’il ne passait pas « son premier examen en juillet 1840, son second en juillet 1841, et sa thèse en juillet 1842, » il deviendrait « ce qu’il voudrait. » À lui « d’orienter son budget » comme il le pourra ; la somme de 1 200 francs ne sera pas dépassée : « 500 ou 600 francs pour logement et nourriture, 200 pour vêtement, le reste pour les cours et livres, etc. » Et il complétait ses ordonnances dans une lettre à son cousin. « Donc, 100 francs par mois, s’il se conduit bien ; sinon, qu’on le réduise de suite à 40 francs par mois, pendant trois mois, au bout desquels il aura trouvé un moyen de se suffire à lui-même. Son cœur se serre en écrivant cela, mais il
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