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Cette préoccupation de la « bonne tenue » revient souvent dans les lettres de Bourbon. « Nous désirons vivement, écrit encore M. Leconte de l’Isle, qu’il puisse tenir son rang, qui le force à sortir des habitudes de trop de laisser aller qui lui sont naturelles. Si je me sers du mot rang, je veux dire tout simplement une bonne société ; peu soucieux qu’il était ici de voir le monde, nous craignons, Élysée et moi, qu’il vive trop retiré, ce qui est toujours peu avantageux pour un jeune homme, lorsqu’il est destiné, si rien ne s’y oppose, à entrer dans la magistrature.

C’était, selon les vues de M. Leconte de l’Isle, chez M. Robinot, magistrat de Rennes, que son fils devait faire ses débuts dans le monde ; il avait prié son cousin Louis de l’y présenter, mais, soit négligence du cousin, soit refus de Charles, en dépit des rappels fréquens des parens de Bourbon, la présentation ne fut pas faite. Cet « oubli » contrariait vivement M. Leconte de l’Isle. « Il n’eût pas manqué de rencontrer » chez M. Amand Robinot « des hommes de robe dont la société ne pouvait que lui être utile et la connaissance avantageuse. »

Mais ce n’est pas tout d’habiter un logement sain, de vivre d’une vie confortable, d’avoir la tenue d’un homme du monde et de fréquenter la bonne société ; Charles devait encore, au gré de ses parens, se teinter d’art, non pas certes pour l’art en lui-même, mais pour ce qu’il peut ajouter d’agrément au bonheur d’une vie bourgeoise. On lui a bien recommandé à son départ, et on y insiste dans chaque lettre, de prendre des « maîtres de dessin (paysage), de musique et de danse. » Il serait bon aussi qu’il eût un maître d’armes « pendant l’hiver ; » tout cela est « accessoire, » c’est vrai, et « secondaire, » mais « utile » pourtant. Le cousin de Dinan est instamment prié de faire exécuter ce programme. Malheureusement, Charles n’est pas encore musicien, mais on espère que son oncle lui indiquera un bon maître et « presque toujours, en ces matières, l’élève dépend du maître. »

Le chapitre des plaisirs était aussi prévu dans ce règlement de vie, sinon dans tous ses détails, du moins au point de vue de la dépense. Une somme de dix francs par mois y devait suffire ; cependant M. Leconte de Dinan était autorisé à consentir un léger supplément à cet article et « au besoin à ne pas se tenir à cinquante francs de plus » par an. Mais M. Louis Leconte pensait sagement qu’on a toujours trop d’argent pour s’amuser, et il n’apparaît pas qu’il ait jamais dépassé la somme fixée ; au contraire,