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cachant son ambition sous le masque d’une feinte modestie, opiniâtre, et marchant vers son but par des voies détournées et tortueuses : tel le représente le témoignage de ses contemporains, tel il apparaît aujourd’hui à la lumière de ses écrits et de ses actes. Ces fâcheuses qualités n’éclatèrent toutefois que plus tard au grand jour ; sa dissimulation habile donna longtemps le change sur sa véritable nature ; et son nom, ses alliances, son rang de prince souverain firent de lui, dans sa jeunesse, un parti recherché par ce que la cour de France comptait de plus illustre. Il n’avait pas vingt ans qu’il fut question de son mariage avec la fille du duc du Maine. La fameuse Mme de Staal-Delaunay servait d’intermédiaire entre les deux familles. Une négociation compliquée, politique et matrimoniale à la fois, s’engageait, en avril 1740, entre le duc de Valentinois et la duchesse du Maine, pour obtenir du roi de France qu’Honoré retrouvât à la cour le rang dont avaient joui les princes de la précédente dynastie ; la conclusion du mariage restait subordonnée à cette reconnaissance. Après trois mois de pourparlers, l’opposition du cardinal de Fleury fit échouer l’affaire[1] ; et le duc de Valentinois, sans s’attarder à des regrets inutiles, se rabattit aussitôt pour son fils sur la fille du duc de Bouillon, Louise-Henriette de la Tour d’Auvergne. Cette fois, le projet prit tournure ; le contrat fut rédigé, l’approbation du roi obtenue ; il ne restait plus qu’à signer, quand, au dernier moment, à l’étonnement général, le futur rompit brusquement l’accord et retira sa demande, « par suite de l’opiniâtreté du beau-père, » allègue-t-il dans ses lettres, par quelque inexplicable reflux de son humeur fantasque, pensa plus justement son père, qui, pour châtier cette incartade, le fit enfermer par le roi entre les quatre murs de la citadelle d’Arras. Il y resta plusieurs mois, dans une réclusion étroite, en sortit fort aigri, et très dégoûté du mariage ; près de quinze ans s’écoulèrent sans que nul autre projet fût mis en discussion.

C’est dans cet intervalle, et très probablement en 1750, qu’Honoré III rencontra à Versailles la marquise de Brignole, dont la beauté l’éblouit[2]. Le prince de Monaco, par une alliance qui n’est point rare, joignait à la sécheresse du cœur un goût assez vif

  1. Les archives de la principauté contiennent une intéressante correspondance de Mme de Staal-Delaunay au sujet de cette négociation.
  2. Souvenirs Inédits de la marquise de la Ferté-Imbault. Archives de la famille d’Estampes.