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l’était alors) a loué la société « de ne pas distinguer au point de vue de la maternité entre la jeune fille et la femme. » Je ne saurais partager sur ce point l’opinion de l’honorable M. Bassinet. Qu’on me comprenne bien. J’ose dire que je suis assez au courant des difficultés et des dangers de la vie populaire pour pousser très loin l’indulgence vis-à-vis de la fille séduite. Personne n’a plus en horreur que moi ce pharisaïsme impitoyable à la faute parce qu’elle est apparente, indulgent à l’adultère parce qu’il demeure caché. Mais n’est-ce pas cependant aller un peu loin, dans les statuts d’une société même charitable, que d’envisager la maternité légitime et la maternité illégitime absolument du même œil ; et cela surtout quand ce sont des patrons qui ont rédigé ces statuts ? Ne craignent-ils pas d’encourager par-là, dans ce monde spécial auquel ils s’adressent, une disposition qui, à Paris, n’est que trop fréquente chez l’ouvrier et surtout chez l’employé : le mépris du mariage et la glorification de l’union libre ? Ne seraient-ils pas aussi, en y réfléchissant, un peu choqués à la pensée que, le jour où l’une de leurs ouvrières penserait à se mal conduire, elle pourrait venir tranquillement au bureau de la Mutualité maternelle s’assurer contre les conséquences de sa faute. L’objection est, je le reconnais, plus théorique que pratique, car, en fait, d’après le dernier compte rendu, l’indemnité d’accouchement a été accordée à 649 femmes mariées et à 35 filles-mères seulement, la prévoyance n’étant pas la vertu dominante de ces dernières. Mais, en doctrine, elle n’en subsiste pas moins, et je me fais d’autant moins scrupule de signaler cette lacune des statuts, qu’il serait très facile de concilier dans la pratique ce qui est dû aux exigences de l’humanité avec le respect d’une grande loi morale et sociale. Aux termes desdits statuts, celles-là seules ont droit à l’indemnité d’accouchement qui se sont fait inscrire comme participantes à la Mutualité maternelle neuf mois au moins avant leurs couches, c’est-à-dire avant le début, de leur grossesse et qui ont payé leur cotisation de l’année. Dans la réalité, un grand nombre de femmes demandent à être inscrites et à payer leurs cotisations, étant déjà enceintes. On les admet néanmoins, sauf à leur accorder une indemnité un peu moindre. Le compte rendu les appelle des participantes extra-statutaires. Le nombre de ces extra-statutaires tend d’année en année à l’emporter sur celui des statutaires : 455 extra-statutaires, en 1897, contre 229 statutaires.