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elle voudrait pouvoir gagner de l’argent pour aider sa mère et sa sœur. » Je regardai la jeune fille. Elle avait une robe d’assez mauvais goût, un chapeau à plumes et des frisons exagérés. Rien n’indiquait au premier aspect ni tant de misère, ni tant de vertus, et je me suis promis que désormais je ne jugerais plus jamais les petites ouvrières sur l’apparence ni sur les frisons.

Laissons de côté le sentiment et revenons aux chiffres. La Parisienne (donnons-lui déjà ce nom que sans doute elle portera bientôt) demande à ses sociétaires une cotisation mensuelle d’un franc cinquante, soit dix-huit francs par an. En échange de cette cotisation modique, elle leur assure, en cas de maladie, les soins et les remèdes gratuits, et, en cas de décès, un convoi convenable. C’est le minimum des avantages garantis par la mutualité. Mais elle distingue entre les sociétaires mariées et les sociétaires non mariées. Aux sociétaires mariées, qui naturellement sont soignées à leur domicile, elle accorde, en plus des soins médicaux, une indemnité d’un franc par jour. En cas d’accouchement, cette indemnité est accordée pendant vingt jours. Quant aux sociétaires non mariées, qui sont de beaucoup les plus nombreuses, elles sont soignées dans la maison des sœurs de Marie Auxiliatrice, qui est le siège de l’œuvre, véritable maison de famille suivant le nom qu’elle s’est donné, où quelques-unes d’entre ces jeunes filles ont même pris gîte et sont en tout temps logées et nourries au prix invraisemblable de quarante francs par mois en dortoir, et soixante francs en chambre particulière. Mais c’est là une œuvre tout à fait distincte de la société de secours mutuels, qui assure cependant aux sociétaires sans place un lit gratuit pendant un mois et les nourrit moyennant une légère rétribution. Il y a là une sorte d’assurance temporaire contre le chômage, qui complète les avantages importans assurés aux sociétaires.

Enfin, une décision toute récente du Conseil d’administration de la société a créé une caisse d’encouragement à l’épargne. Cette caisse reçoit les versemens individuels des ouvrières sociétaires à partir de cinquante centimes, et les place en leur nom à la caisse d’épargne et les en conservent la libre disposition. De son côté, le Conseil d’administration de la société verse au compte de chaque déposante, dans la mesure où les ressources de la société le permettent, une somme proportionnée à ses propres versemens. Cette somme n’est point à la disposition de la déposante, mais lui est remise dans les trois cas suivans : mariage, établissement,