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concession d’un railway reliant au lac Teslin la rivière Stickine, dont Wrangel commande l’entrée. La vapeur aidant, cette route serait avantageuse ; mais dans l’état actuel des choses, elle reste à bon droit délaissée.

Une solution qui semblerait séduisante consiste à se faire conduire par mer jusqu’à l’embouchure du Yukon et à en remonter ensuite le cours, indéfiniment. D’assez bons steamers vont de San Francisco, de Seattle ou de Vancouver à Saint-Michaëls, dans le détroit de Behring ; puis on transfère les passagers dans des bateaux à roues, de faible tirant, que les bas-fonds du delta et du fleuve laissent généralement passer. Mais ce n’est pas encore un procédé qui puisse être recommandé à tout le monde. Le détour est énorme (de Seattle à Saint-Michaels, 4 500 kilomètres, et 2 650 de Saint-Michaels à Dawson) et le trajet, qui dure près d’un mois, coûte cher : 1 500 francs en première classe, 1 250 francs en seconde, avec 150 livres de bagages seulement ; et 50 francs de plus par 100 livres d’excédent. Comme, d’autre part, le Yukon dégèle tard et regèle tôt, ce vaste périple tente surtout les curieux dont le désir est seulement d’aller passer dans le Klondyke quelques jours ou quelques semaines.

Ce que font jusqu’ici les vrais chercheurs d’or, à peu d’exceptions près, c’est de se laisser porter par les paquebots du Pacifique au fond du Lynn Canal, dans cette partie du littoral alaskien dont les fiords font face aux grandes îles Baranof, Chichagof, Admiralty, et, une fois mis à terre, de se lancer vers le nord, à la grâce de Dieu. Le programme de l’expédition comporte, après trois ou quatre jours de mer, l’ascension des escarpemens qui bordent la côte ; puis sur l’eau ou sur la glace, une longue descente, 900 kilomètres environ, par toute une série de lacs et de rivières, jusqu’au Lewis et au Yukon.

Sur la carte, on a vite pointé ces étapes successives ; mais comment deviner de loin tous les pièges, toutes les tribulations, tous les périls échelonnés le long de cette voie douloureuse ? On s’en fait au moins une idée en feuilletant le remarquable rapport rédigé pour le département du Travail, à Washington, par son délégué M. Samuel Dunham[1] ou en lisant les merveilleuses lettres adressées au Temps par son correspondant M. Ames Sémiré[2].

  1. Bullelin of the Department of Labor. n° de mai 1898.
  2. Temps des 3, 5, 11, 19, 24, 29 et 31 mars 1898 ; 12, 15, 19 avril ; 23 juin, 22 juillet, 28 août, 9, 22 et 24 septembre, 5 et 12 octobre.