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beaucoup dorment encore. Les paysans chinois sont parmi les premiers agriculteurs du monde : ils tirent parti du sol de leurs plaines avec une perfection qui permet aux populations rurales d’atteindre un degré de densité inconnu en Occident ; telles provinces chinoises du littoral ou de la vallée du Yang-tsé-Kiang, le Chan-toung, le Houpé, le Kiangsou, et d’autres encore sont aussi peuplées que la Belgique, et cependant, malgré quelques grandes mais rares agglomérations urbaines, ces régions, comme tout l’ensemble de la Chine, sont presque exclusivement agricoles, et, de même que dans tout l’Extrême-Orient, où le riz est la culture dominante, les montagnes sont à peu près inhabitées. Si le sol est admirablement exploité, le sous-sol, en revanche, est absolument négligé : on n’extrait qu’une quantité insignifiante de houille des immenses formations carbonifères qui couvrent plus de 100 000 kilomètres carrés, aux abords du fleuve Jaune, dans les plaines du Honan et sous les terrasses du Chansi ; avec le bassin du Chan-toung, très important aussi, qui se trouve plus à l’ouest, ce sont là les couches les plus accessibles de combustible minéral, reconnues par le célèbre voyageur Richthofen. Celles de la Chine centrale paraissent toutefois plus étendues encore : le bassin du Setchouen, où se trouve aussi du pétrole, couvrirait une surface égale à la moitié de la France, et celui du Hounan serait aussi très considérable. Les mines métalliques abondent également : celles du Yunnan, riche surtout en gisemens de cuivre, ont été une des causes qui nous ont attirés au Tonkin ; les métaux précieux eux-mêmes semblent exister en maints endroits. Il est certain que, malgré l’ancienneté de leur civilisation, les Chinois ont à peine effleuré ces richesses qui se cachaient sous terre ; ils sont demeurés inférieurs à ce point de vue aux peuples de l’antiquité classique : toute cette moisson reste à récolter pour les Européens.

On peut juger du développement dont la Chine est susceptible, de l’accroissement que peuvent prendre ses échanges avec le reste du monde, de l’impulsion que donnerait à l’activité universelle l’ouverture de cet immense pays, par l’exemple de deux autres contrées asiatiques, placées dans des conditions assez analogues : l’Inde britannique, qui, avec toutes ses dépendances, est d’un sixième plus vaste que la Chine propre[1], mais contient

  1. On sait que l’Empire chinois comprend la Chine proprement dite, ou les « Dix-huit Provinces, » qui a une surface de 3 millions et demi de kilomètres carrés, et 380 millions d’habitans environ, et diverses dépendances plus vastes, mais infiniment moins peuplées : la Mandchourie, patrie de la dynastie actuelle (7 à 8 millions d’habitans sur 900 000 kilomètres carrés) ; la Mongolie (2 millions d’habitant seulement sur 3 200 000 kilomètres carrés) ; le Thibet (6 millions d’âmes sur 1 600 000 kilomètres carrés) ; le Turkestan oriental et la Dzoungarie (1 200 000 âmes sur 1 500 000 kilomètres carrés).