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passe quelquefois jusqu’à la vieille Europe. » Il parlait là comme Américain, mais il parlait aussi comme catholique lorsqu’il ajoutait : « Un ministre protestant disait que dans ces dernières années, si le nombre des catholiques n’avait pas augmenté d’une manière surprenante, leur influence politique et sociale se développait d’une manière remarquable. »

Et, loyale et complète, l’expérience, enfin, a été décisive. Car les circonstances ont plutôt été défavorables, et, sans reparler des défiances que le catholicisme a longtemps excitées, même aux Etats-Unis, je ne sais à ce propos si l’on n’a pas quelque peu exagéré ce qu’il devrait d’accroissement à la seule et brutale accession du nombre. Par exemple, il y a plus de sept millions d’hommes de couleur aux Etats-Unis, nègres, mulâtres ou quarterons ; et de ce nombre il n’y en a pas 250 000 qui soient catholiques. En revanche, il y en a plus de 1 200 000 sur 4 millions de baptistes, et au moins autant de méthodistes, sur un peu plus de 5 millions ; et le méthodisme avec le baptisme sont, après le catholicisme, les deux confessions les plus nombreuses des Etats-Unis[1]. Je constate encore que si, de 1881 à 1890, il s’est établi aux Etats-Unis 655 000 immigrés d’Irlande, il s’y est fixé d’autre part 650 000 Anglais et 150 000 Écossais, lesquels sans doute ont amené peu de recrues au catholicisme. Dans la période précédente, de 1871 à 1880, les chiffres avaient été de 440 000 Anglais et 89 000 Écossais, contre 445 000 Irlandais. D’un autre côté, s’il faut compter, de 1871 à 1890, 820 000 immigrés Canadiens et 490 000 Français ou Italiens, — Français, 120 000 ; Italiens, 370 000, — je trouve, pour le même laps de temps, 787 000 immigrés Suédois ou Norvégiens, et 120 000 Danois, soit ensemble à peu près 900 000. Cela fait, au total, en vingt ans, 2 410 000 immigrés d’origine catholique et 2 235 000 d’origine protestante. On eût cru la différence infiniment plus considérable. Et il est vrai qu’il y a les Allemands qui, en y comprenant les Autrichiens, n’ont pas afflué, depuis vingt ans, en Amérique, au nombre de moins de 2 500 000, sur lesquels on peut évaluer qu’il y en a bien un tiers de catholiques, ou un peu davantage. Il est vrai que, dans les périodes précédentes, de 1840 à 1870, l’immigration catholique a de beaucoup surpassé l’immigration protestante. De 1841, par exemple, à 1850, le total de l’immigration irlandaise a été de 780 000 ; il a été de

  1. Les presbytériens ne sont pas plus de 1 500 000.