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l’évêque, et au besoin contre son gré. Elle imposait à ses prêtres, conformément au concile de Trente, un costume qui permît de les reconnaître en toute occasion pour tels : vestes quæ ipsum eas gerentem aliosque moneant cujus conditionis ille sit. Elle les mettait dans la main de leurs évêques. Elle enlevait les causes ecclésiastiques à la juridiction des tribunaux civils. Elle déterminait, avec l’approbation et le concours de la cour de Rome, le mode de nomination des évêques d’Amérique : le saint-siège les choisit sur une liste de trois noms dressée d’un commun accord par les curés inamovibles, les « consulteurs[1], » les évêques et l’archevêque de la province ecclésiastique dont un diocèse est devenu vacant. Elle s’occupait encore des programmes des écoles, en attendant qu’un jour il lui fût donné de fonder l’Université de Washington. Elle exerçait une censure vigilante sur les livres de classes. Elle réglementait, à diverses reprises, la question des « mariages mixtes, » si difficile à traiter dans un pays aussi bigarré que les États-Unis d’Amérique. Elle mettait ses fidèles en garde contre la séduction des sociétés secrètes, si puissantes en pays protestant. C’est par millions que l’on compte aux Etats-Unis les adeptes de la franc-maçonnerie. Au contraire elle croyait devoir encourager les sociétés de tempérance, en raison des progrès scandaleux de l’alcoolisme en Amérique, et, par une juste tolérance, elle autorisait -et elle encourageait les sociétés de secours mutuels.

Si j’ai cru devoir ici donner tous ces détails, ce n’est pas qu’ils puissent rien avoir de bien « inattendu » pour la plupart des lecteurs. Mais c’est qu’ils témoignent combien l’Eglise des Etats-Unis, depuis son origine, a toujours eu à cœur non seulement d’affermir, mais de resserrer son union avec Rome ; et surtout ils sont bons pour la défendre et la venger du singulier éloge qu’on s’imagine quelquefois en faire, et qui lui est plutôt une injure, quand on la loue de la nouveauté de ses doctrines ou de l’indépendance de ses allures : j’en connais qui diraient de la liberté de ses mœurs. On ne saurait se tromper davantage ; et qui voudra s’en convaincre n’aura qu’à feuilleter rapidement les Actes des trois conciles pléniers de Baltimore, 1852, 1866 et 1884. Ce ne sont pas seulement, cela va sans dire, les doctrines, la hiérarchie, la discipline qui sont les mêmes, ce sont encore les cérémonies du

  1. Les « consulteurs diocésains, » dans l’Église d’Amérique, remplissent à peu près les fonctions de nos chanoines.