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formait l’unique lien, — on affectait donc de craindre que, si « l’Eglise catholique venait jamais à dominer, ce fût le coup de mort de la Constitution des Etats-Unis. » Ainsi s’exprimait, en 1844, le révérend Robert Baird, et il ajoutait : « On pense que les prêtres romains ne peuvent que haïr la démocratie, et, d’un autre côté qu’il est impossible de balancer leur influence sur le peuple. Je ne sais jusqu’à quel point ces craintes sont fondées : toujours est-il que nous avons eu parmi les romanistes de chauds patriotes… Ce qui, dans tous les cas, est certain, c’est que la population protestante et les ministres en particulier surveillent tous les mouvemens du clergé romain, et qu’ils ne paraissent nullement disposés à laisser passer inaperçu ce que leurs tendances pourraient avoir de menaçant[1]. »

Ce n’était pas précisément là ce qu’on peut appeler des dispositions bienveillantes ; et aussi, les Pères du cinquième concile provincial de Baltimore, vers le même temps, s’en plaignaient-ils avec quelque amertume. Ils se félicitaient toujours des progrès du catholicisme. « Dans les vastes régions qui nous sont confiées, quoique indignes, écrivaient-ils à Rome, la parole de Dieu se répand tous les jours davantage : Verbum Dei currit et dilatatur ; » et entre autres preuves ils en donnaient celle-ci, qu’en moins de trois ou quatre ans, dans un seul diocèse, on avait vu s’élever quarante-trois églises. « Mais, continuaient-ils, voici qu’on nous accuse, nous, dont les pères ont versé leur sang comme de l’eau pour revendiquer l’indépendance commune contre un oppresseur qui, certes, n’était pas catholique, d’abdiquer entre les mains d’un prince étranger, — c’est le Souverain Pontife, — nos libertés civiles et politiques, et en nous faisant ainsi ses serviteurs, d’être infidèles à notre République. » Ils protestaient ensuite éloquemment que « leurs mœurs et leur vie suffisaient toutes seules à prouver qu’il n’était pas de forme de gouvernement dont ne s’accommodât la religion catholique, dès que ce gouvernement n’avait que la paix et le progrès pour objet. » Et en terminant, ils se flattaient que leurs accusateurs se prendraient eux-mêmes au piège qu’ils leur avaient tendu ; ou plutôt, c’était fait, disaient-ils, et « ils sont tombés dans le puits qu’ils avaient creusé pour nous. »

Je ne sais, en s’exprimant de la sorte, s’ils n’anticipaient pas

  1. Robert Baird, la Religion, etc., II, 287, 288.