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évêques, dans ces actes, et dans les documens qui les accompagnent, contre quelles difficultés les catholiques ont dû lutter, bien des années encore après que la Constitution leur avait cependant accordé le libre exercice de leur culte. Ces difficultés, ne les a-t-on pas peut-être un peu exagérées parfois, ou tournées au tragique ? Les écrivains protestans le disent, et il semble bien qu’ils n’aient pas tort. Si les Pères du troisième concile provincial de Baltimore ont pu parler, — dans une lettre qu’ils écrivaient au pape Grégoire XVI, avant de se séparer, le 22 avril 1837, — « de couvens réduits en cendres, de sépultures violées, d’atroces calomnies dirigées contre les religieuses, contre le clergé, contre la population catholique tout entière, » il semble bien que leur discours ne s’appliquât en tout qu’à la destruction du couvent des Ursulines de Charleston, le 11 août 1834, par la populace de Boston. Mais c’est une question de savoir s’il se mêlait vraiment du « fanatisme » ou de la « passion religieuse » à cette explosion de fureur populaire. On accusait les religieuses d’avoir affolé l’une d’entre elles à force de mauvais traitemens[1]. En tout cas la réprobation contre cet acte de violence fut universelle en Amérique, et les évêques eux-mêmes déclarent dans leur lettre, non seulement que ces excès « n’ont pas été approuvés de la majeure et de la plus saine partie de la population, a majore sanioreque civium parte, » mais qu’au contraire « l’estime et la vénération qu’on portait aux catholiques s’en serait plutôt augmentée : nedum aliquid publicæ æstimationis amiserint… quam maximi fiunt et venerationi habentur. » Ils ajoutent plus loin que le nombre des enfans confiés aux religieuses, ou aux institutions catholiques en général, par des parens même protestans, va croissant tous les jours. La multiplication des ordres religieux, — Jésuites, Dominicains, Prêtres des Missions, Rédemptoristes, Sulpiciens, — leur rappelle la parabole du grain de sénevé. Ils constatent que les conversions deviennent plus nombreuses. Et finalement, la plainte la plus vive qu’ils fassent n’est après tout qu’une manière de se féliciter de leurs progrès, puisqu’elle consiste à regretter que, dans cet accroissement de la population catholique, les prêtres fassent défaut au nombre des fidèles et ne puissent prendre

  1. Nous suivons ici, pour plus d’impartialité, la version du révérend Robert Baird, dans son livre sur la Religion aux États-Unis, II, 284, 285, mais elle n’est pas tout à fait conforme à celle que l’on trouvera dans les Annales de la Propagation de la Foi, VIII, 182, 183.