Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux conditions techniques qui limitent son effort, l’artiste s’en fait un véritable langage assez riche pour traduire les subtils caprices de son imagination, assez éloquent pour émouvoir et séduire. Traité avec une pareille virtuosité, le verre n’est plus simplement un moyen industriel, un agent utilitaire, un élément docile de progrès pour le confortable ou l’hygiène : il se hausse à un rôle supérieur et devient le serviteur de la Beauté, un évocateur de l’Idéal.

C’est à un point de vue plus modeste, plus terre à terre, ne l’oublions pas, que nous nous sommes placé pour examiner dans cette étude les ressources du verre. Nous nous sommes efforcé de prouver que l’industrie contemporaine est très loin encore d’avoir dit son dernier mot en ce qui concerne cette matière, et que, malgré les récens perfectionnemens dus à la science moderne, on n’a pas encore su tirer d’elle toutes les applications que ces perfectionnemens mêmes permettent d’entrevoir. Nous avons vu que les recherches des savans et des artistes se manifestent présentement en tous sens à cet égard. Nous avons noté les principaux résultats atteints, sans dissimuler que ces résultats nouveaux ne sont point faits pour nous enorgueillir quand on les compare à ce que fut l’industrie du verre chez les anciens. Mais, en même temps, nous avons affirmé notre conviction que voici précisément l’heure où les multiples tentatives qui ont pour objet les progrès de la verrerie vont enfin se coordonner, se préciser, et aboutir à des conséquences pratiques d’une inappréciable portée. Grâce à la pierre de verre inventée par M. Garchey, grâce aux panneaux en opaline de Saint-Gobain, tels que ceux que M. Jacques Galland exposait au dernier Salon, il est certain que l’architecture actuelle possède des élémens qui aideront promptement à sa transformation décorative et à son adaptation aux lois impérieuses de l’hygiène. Les verres pour vitraux sont maintenant d’une fabrication parfaite. Les Américains y ont ajouté les étrangetés d’une pâte dont les demi-transparences laiteuses ont souvent d’heureux emplois. Pour ce qui est de la gobeleterie, les procédés scientifiques se multiplient et offrent à l’ingéniosité des fabricans un vaste champ de combinaisons imprévues : restent à trouver les formes les plus élégantes et les plus rationnelles, les décors du goût le plus pur pour la meilleure utilisation des procédés de la galvanoplastie, de la gravure chimique et autres, dont on s’est rendu maître. Les succès de M. Emile Gallé