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verrier distingué. Que ce palais fût construit en verre pour mieux faire valoir les prestigieux effets de la lumière dont on voulait célébrer la puissance, l’idée s’explique d’elle-même. On se mit donc à l’œuvre. MM. Ponsin et Latapy combinèrent leurs efforts, et voici maintenant que le Palais Lumineux est en cours de construction. La donnée en est intéressante. Au centre d’un jardin dessiné par des pelouses vertes où courent des allées bordées de fleurs et favorisant des effets de perspective, le palais s’élèvera, dressant dans l’espace sa silhouette tourmentée, bizarrement découpée, comme un bijou décoré de pierreries phosphorescentes dans un écrin d’arbres sombres. La façade principale aura l’aspect d’un immense portique dont les toitures, surmontées de campaniles et d’une statue ailée personnifiant la lumière, seront soutenues par de hautes colonnades. Au rez-de-chaussée, où on accédera par une double rampe d’escaliers décorés de balustrades, sera une grande salle d’exposition. A gauche et à droite, deux grottes surplomberont d’immenses vasques de verre. A l’intérieur du hall seront disposées cinq larges baies par où les visiteurs pourront contempler les cinq parties du monde, panorama dû au talent de M. Castellani et dont M. Armand Silvestre a donné la description suivante : « Une quintuple vision polychrome attend le spectateur à qui apparaissent, dans des orientations différentes, l’Europe, que noient les feux rosés de l’aurore ; l’Asie, que brûle la poussière d’or des canicules ; l’Afrique, où le soleil meurt dans un Ilot rouge de sang ; l’Amérique, perdue dans la vapeur d’hyacinthes pâles et de violettes des crépuscules ; l’Océanie, enfin, que la lune plonge comme dans une poussière à la fois étincelante et sombre de lapis-lazuli. Ainsi le vieux monde et le nouveau font revivre, dans leur évocation plastique, ce que je pourrais appeler les cinq âges de la Lumière. » Nous renonçons à décrire en détail cette sorte de palais des Mille et Une Nuits, dont la conception première semble avoir jailli du cerveau d’un décorateur et d’un poète à qui les difficultés d’exécution ont paru bagatelles indignes d’arrêter un constructeur audacieux. Sa fantaisie s’est donné libre carrière et il n’a pas daigné prévoir d’obstacles que ses collaborateurs ne fussent capables de surmonter. Tout en verre, tel était son programme, et il est allé jusqu’au bout du problème, armé d’une belle confiance dans les solutions qui surgiraient au fur et à mesure des besoins. En verre les parois du palais supportées par une carcasse de fer ! En verre la coupole,