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n’en était pas moins acquis, et l’histoire, comme on le sait, n’enregistre que les résultats. Au commencement de 1898, le Sénégal et le Soudan se trouvaient réunis à la côte d’Ivoire à travers les vallées du haut Niger ; et la côte d’Ivoire, par-dessus les États conquis du Mossi et du Gourma, se rattachait au Dahomey. Cette colonie était également reliée au Soudan. Désormais toutes nos possessions de l’Afrique occidentale ne faisaient plus qu’un bloc compact.

Pour arriver à ce résultat, il nous avait fallu non seulement lutter contre les rois nègres, mais encore déjouer les entreprises et les efforts des Européens nos voisins du littoral de Guinée. Dès le début, Anglais et Allemands avaient fort bien compris que nos projets de domination dans la vallée du Niger moyen allaient à l’encontre de leurs intérêts particuliers à la côte d’Or, à Lagos et au Togo. Le Mossi est l’hinterland naturel de la côte d’Or, le Gourma celui du Togo, le Borgou celui de Lagos. En mettant la main sur ces divers États indigènes, nous coupions aux colonies anglaises et allemande toute possibilité d’extension vers l’intérieur, nous les réduisions à l’état d’enclaves littorales ; nous leur enlevions un arrière-pays dont les productions auraient pu largement alimenter les diverses branches du commerce des ports de la côte et les empêchions d’atteindre le degré de prospérité auquel elles pouvaient prétendre. Pourtant, malgré le danger évident que notre marche envahissante dans la vallée du Niger moyen faisait courir au développement commercial de leurs établissemens de la côte, les Anglais, pendant les premières années qui suivirent la convention de 1890, demeurèrent paisiblement cantonnés sur la lisière maritime. Alors que par le fer et le feu nous implantions notre domination au Soudan, eux, tranquillement assis derrière leurs comptoirs, voyaient, sans en être émus outre mesure, les massacres et les incendies qui accompagnaient nos expéditions à main armée et se contentaient d’exploiter commercialement le pays. Ils se livraient à cette exploitation en cherchant à en tirer le parti le plus fructueux possible et en ne faisant que les dépenses les plus indispensables ; et il ne leur venait pas à l’esprit de nous imiter dans nos procédés d’expansion coloniale. Ni le gouvernement local ni le gouvernement métropolitain n’organisaient de mission ou d’exploration à destination de l’intérieur. Loin même de s’aventurer au nord du 9e parallèle, ils ne cherchaient seulement pas à procéder à l’exploitation des