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concluions un traité d’alliance et d’amitié et nous étendions notre action sur les pays de Kong, de Djimini et de Bondoho. Dès 1889, nous avions ainsi placé sous notre influence toutes les hautes vallées du Niger et de ses affluens en amont de Tombouctou.

Cette rapide extension de notre domination eut lieu d’ailleurs sans trop éveiller les susceptibilités des Anglais. Cependant, par leurs établissemens de Gambie et de Sierra-Leone, ces derniers étaient mieux placés que nous pour atteindre la vallée du fleuve. Du littoral de ces deux colonies à la source du Niger et à ses branches maîtresses, la distance est moins grande que de l’embouchure du Sénégal. D’autre part, la Gambie ouvre vers la vallée du Niger une voie naturelle bien supérieure à celle qu’offre le Sénégal ; elle est d’un accès beaucoup plus facile aux vaisseaux et ces derniers peuvent s’y aventurer en tout temps et la remonter en basses eaux jusqu’à une longitude plus orientale que ce premier fleuve ; enfin, là est la route la plus directe pour le Fouta-Djalon et Tombouctou. Pourtant tous ces avantages ne purent décider les Anglaisa entrer avec nous en lutte pour la possession du haut fleuve. Ils laissèrent le Sénégal, puis le Soudan français, s’étendre progressivement, déborder graduellement vers le nord, le sud et l’est sans en montrer plus de soucis. Profitant de l’inertie anglaise, nous enserrâmes peu à peu la Gambie et Sierra-Leone d’un cercle de postes qui isolèrent ces deux colonies du haut Niger, et les réduisîmes à l’état d’enclaves littorales. La diplomatie anglaise ne fit pas non plus la moindre difficulté de nous reconnaître les territoires que nous avions occupés d’une manière effective. Sans se préoccuper de l’avenir commercial de la Gambie et de Sierra-Leone, elle nous sacrifia l’arrière-pays de ces deux colonies. Par la convention du 10 août 1889, elle se contenta de voir la frontière de Sierra-Leone reportée de la petite Scarcie vers la grande Scarcie, et, en échange du territoire minuscule compris entre ces deux rivières, elle nous abandonna le Fouta-Djalon. Dans la Gambie, il ne fut reconnu à la Grande-Bretagne qu’une étendue de dix kilomètres de territoires sur chacune des rives du fleuve, et encore jusqu’au point où il cesse d’être navigable, à Yarbatenda. L’Angleterre, par ces dispositions, s’interdisait tout accès vers la vallée du Niger. Ce désintéressement chez des gens d’ordinaire assez avides en fait d’acquisitions coloniales demeurerait inexplicable si nous ne savions ce que les Anglais envisagent avant tout dans une possession lointaine. Pour eux, l’objet d’une colonie est de donner