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celles de M. E…[1]. » Sous ce rapport non plus, Paris n’a rien eu à envier à la province : « Les listes d’émargement feraient figurer comme ayant pris part au vote du 22 mai des personnes absentes ou accomplissant un service militaire actif. » D’ailleurs, ces militaires n’étaient peut-être pas tous soldats : « D’une pièce légalisée il résulterait qu’un électeur a voté aux lieu et place d’un homonyme actuellement en activité de service[2]. » Dans plusieurs circonscriptions de la capitale, on a été frappé de la quantité d’électeurs inscrits sous la rubrique militaires, qui se sont présentés au scrutin ; et il serait intéressant de savoir si, à cette date, il y avait un nombre correspondant de « militaires » en congé de trente jours.

Dans ces cas extrêmes, on fait flèche de tout bois. Un électeur ne veut point se priver d’une partie de campagne, mais ne veut point davantage faillir à son devoir civique : il envoie son beau-frère, avec sa carte électorale et sous son nom, voter comme si c’était lui-même. Il a raison, puisque, le beau-frère étant arrêté, le tribunal l’acquitte, par ce motif que M. G…, « en présentant la carte de son beau-frère et son bulletin de vote, n’avait pas dit qu’il fût M. M… » Et voilà une jurisprudence ! Il n’est pas jusqu’aux fous liés qu’on n’appelle à la rescousse : leur voix est une voix, et qui vaut les autres. On a fait bravement voter deux pensionnaires de l’asile d’aliénés de L… quoique, « d’après les déclarations légalisées de la direction, l’un ait été interné jusqu’au 30 juin 1898, l’autre le soit encore, et leurs noms sont pourtant émargés. » Comment s’émerveiller, en ces conditions, que, dans cette circonscription, le bureau de la Chambre ait relevé au moins 52 émargemens faux[3] ? A Paris, dans une seule section de vote, six électeurs signalent une différence de 49 émargemens en moins : sur 1 369 votes exprimés, il n’y aurait eu que 1 320 émargemens. « Cela peut être exact, remarque le bureau[4], mais il n’y a aucune justification. Les listes d’émargement ne sont point au dossier. (Pourquoi ? ) Au reste, ces erreurs se conçoivent (Vraiment ! ) »En Tarn-et-Garonne, M. Camille Pelletan, arrivant pour une même commune à trois chiffres différens : 728 bulletins trouvés dans l’urne, 745 émargemens, 759 votes attribués aux divers candidats,

  1. Chambre des députés, 11 juin.
  2. Ibid., 27 juin, p. 1852.
  3. Ibid., 7 juillet, p. 1964.
  4. Ibid., 6 juin.