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partie du vivant de son père, comme beaucoup d’autres chefs d’ordres, il laisse à l’intendant ou oukil de la zaouïa d’Ouazzan, Sidi-Acharaf, le soin de la politique et des intérêts temporels de la confrérie. Il passe pour un homme intelligent, très pieux, capable de recouvrer ce que son père avait perdu d’autorité sur les musulmans. Il n’oubliera pas sans doute complètement l’appui que nous avons donné à sa famille et la décoration de chevalier de la Légion d’honneur qu’il a lui-même demandée ; son intérêt même, par suite de l’existence de nombreux khouan de son ordre sur notre territoire, doit le rapprocher de nous[1].

L’ordre qui, après celui des Taybiya, paraît avoir le plus d’influence au Maroc est celui des Derkaoua. Ses origines premières remontent au XIIe siècle, au maugrebin Abou-Median ou Bou-Medine dont on voit la magnifique mosquée et le tombeau à Tlemcen. Parmi ses disciples qui passent pour saints, il faut citer Abd-es-Selam ben M’chich, qui vécut dans la région entre Tanger et Tetouan et qui fut le maître de Sidi-Chadeli, de Ceuta. Ce dernier compléta les doctrines de Ben M’chich et d’Abou-Median et fut le véritable fondateur de l’ordre des Chadelya, qui compte d’innombrables adeptes et duquel sont sortis un grand nombre d’ordres secondaires (Habibya, Naceria, Sohelya, Razya, Rachidya Zerroukya, etc.). La plupart des adeptes en ce siècle adoptèrent son dikr tel qu’il fut modifié par un maître d’école de Fez, Mou-lei-el-Arbi et Derkaoui et prirent le nom de Derkaoua. Moulei-el-Arbi affecta une neutralité absolue entre les divers prétendans qui se disputèrent le trône du Maroc, au commencement du XIXe siècle ; nul, malgré ses prières et ses menaces, ne put obtenir de lui une déclaration en sa faveur ; il mourut vers 1822. Aujourd’hui ses khouan sont extrêmement nombreux au Maroc et même en Algérie, mais partagés en groupes assez indépendans les uns des autres ; ceux d’Algérie, parfois appelés Chadelya, ont eu pour chef le cheikh Missoum de Berrouaghia, mort en 1883, et qui a eu pour successeur son fils Si-Ahmed-Mokhtar ; ceux du Maroc, au moins pour la plupart, sont dans la main des successeurs de cheikh Mohammed el-Arbi el-Derkaoui, le marabout si puissant de Metrara.

Si l’on s’en rapporte aux livres qui contiennent la doctrine, aux longues prières que lisent les fidèles, aux méditations que

  1. D’après une statistique faite en 1882, ils seraient au nombre de 20 000 environ.