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découverte. À ces travailleurs d’élite, il convient seulement de ne pas ménager les moyens d’études. Or, souvent, ceux-ci sont insuffisans, ou même font défaut. Quand, dans nos écoles nationales, se présentent quelques difficultés budgétaires, c’est au chapitre « Frais de cours » qu’on s’en prend d’abord ; mais ces frais de cours sont en même temps des frais de laboratoire ; les réduire est déplorable. Non seulement, vous émoussez les armes, mais vous montrez que la poursuite des travaux, le succès des recherches entreprises, grâce aux maigres subventions accordées, vous sont indifférens.

Les esprits vigoureux surmontent ces difficultés, elles abattent les natures vacillantes ; j’ai vu bien souvent des jeunes gens se mettre au travail avec ardeur, se livrer à de longues et patientes recherches, écrire un bon mémoire et… n’en recueillir aucun fruit… ni avancement, ni récompense d’aucune sorte, pas même un mot d’encouragement… Il leur semble, dès lors, qu’ils font un métier de dupe, ils s’arrêtent, se bornent à accomplir leur besogne quotidienne, et abandonnent les recherches, qu’on ne leur sait aucun gré de poursuivre.

Il existe cependant, au budget du ministère, un chapitre : « Encouragemens à l’agriculture. » Si un mince filet de cette grosse rivière était dirigé vers les chercheurs heureux, il doublerait leur ardeur et ferait surgir d’utiles observations. Quand un homme consacre tous ses loisirs à l’étude patiente des phénomènes naturels, il mérite d’être soutenu, encouragé, car il ajoute au patrimoine de l’humanité. On l’a dit depuis longtemps : « Un fait bien observé compte pour l’éternité. »

Sur la demande du Ministre de l’Agriculture, le Président de la République a créé un Conseil supérieur de l’Enseignement agricole ; si ce conseil est réuni, il aura une belle mission à remplir. Il devra dire que rien n’est plus utile que de savoir, et que pour savoir il faut chercher ; que, si enseigner est bon, découvrir est meilleur ; que le progrès agricole suit pas à pas la marche de la science ; et qu’il vaut mieux créer des centres d’observations que de soutenir à grands frais des écoles désertes.


P.-P. DEHERAIN.