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participation financière russe : elle n’a jamais existé. Ce chemin de fer est le plus long et peut-être le plus considérable de ceux qui ont été concédés jusqu’à ce jour : les Belges peuvent être fiers, comme nous, d’en avoir obtenu l’entreprise. En Angleterre, les adversaires du gouvernement lui font un nouveau grief de l’avoir laissé échapper, et, à leur tour, les partisans des portes ouvertes dénoncent l’impuissance de la politique des zones. Il est certain que, si l’Angleterre a la prétention de retenir sous son influence exclusive toute la vallée du Yang-tsé, une telle fantaisie sera toujours difficile à réaliser : il y faudrait un peu plus que le morceau de papier obtenu du Tsong-li-yamen. Mais on a peine à croire qu’une conception pareille ait pu entrer sérieusement dans l’esprit britannique. La vallée du Yang-tsé, c’est la Chine elle-même ; c’est la partie la plus considérable, la plus riche, la plus prospère de l’Empire ; c’est le Nil de cette Égypte nouvelle, d’une Égypte immensément élargie. Il ne suffit vraiment pas que le gouvernement chinois ait déclaré vouloir la garder pour lui sans en aliéner une parcelle, pour qu’elle soit considérée comme adjugée tout entière au gouvernement anglais. Là plus que partout ailleurs, il convient de pratiquer la politique des portes ouvertes, largement ouvertes à tout le monde. Et, bien que nous ayons lieu d’être, pour le moment, satisfaits de notre lot, les Anglais n’ont pas à se plaindre du leur. Malgré les observations de l’Allemagne, le chemin de fer de Tientsin à Tchin-kiang ne se fera pas sans eux. Ils ont déjà obtenu la concession du chemin de fer de Chang-hai à Sou-tcheou avec prolongement sur Nankin, et de Chang-hai à Hang-tcheou avec prolongement sur Ning-po. Tous ces noms de ville ne sont peut-être pas encore familiers à nos oreilles ; nous sommes obligés d’apprendre une géographie nouvelle ; mais qu’on regarde une carte, et on verra que les Anglais, maîtres des embouchures du Yang-tsé, s’étendront encore au sud, le long du rivage de la mer, jusqu’à l’extrémité de la vallée du grand fleuve. Est-ce tout ? Nous ne savons pas ce que l’avenir réserve encore à l’Angleterre ; mais on sait déjà qu’elle a obtenu la concession des mines, des riches mines du Chan-si. Les Italiens ont une part dans l’affaire ; nous en sommes bien aises pour eux, car l’affaire paraît devoir être très bonne. C’est un syndicat anglo-italien qui l’exploitera. Et ici encore, à la concession des mines vient s’ajouter une concession des chemins de fer. Nous en avons une nous aussi dans le Chan-si ; elle va de Tchin-ting à Taï-yen-fou, et il est probable que les lignes anglaises finiront par se raccorder aux nôtres pour le commun avantage de celles-ci et de celles-là.