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projetée en pointe et faisant angle droit avec le visage, qui ressemblent parfaitement aux figures que l’on admire à Dijon sur le puits de Moïse.

Le dessin est partout d’une finesse extrême, l’ordonnance simple et claire : un effort pour imiter la nature se combine avec une fidélité persistante à des types hiératiques ; des ingénuités et aussi des subtilités d’invention mettent la marque de l’époque. Par exemple, le Massacre des Innocens est symbolisé par un soldat qui présente à Hérode, costumé en sultan, un enfant embroché sur une longue épée. Dans la Fuite en Égypte, l’artiste a montré des statues, celles des faux dieux sans doute, s’écroulant de leurs colonnes et se cassant en deux sur le passage du Dieu nouveau-né. Seulement, il en a fait des statues animées, des êtres de chair, et a bordé d’un trait saignant la coupure de leur corps. Les couleurs vives, les robes rouges et bleues, les bordures gemmées des vastes manteaux, ont conservé une vigueur intense : les parties traitées en clair, les visages, les chairs, les fonds, se relient à elles par dégradations insensibles, par teintes pâlissantes et fuyantes. L’ensemble, effleuré de soleil, baignant dans la clarté blonde du matin, présente ce mélange inimitable d’éclat et de douceur qui fait des belles tapisseries anciennes l’ornement décoratif par excellence, charme à la fois et repos des yeux.

Après ces chefs-d’œuvre, le couloir qui conduit à la seconde cour est tapissé d’un fouillis de personnages dans le goût du XVIe siècle, portant le chaperon et la barbe à la François Ier, au milieu de copieux motifs de décoration où les bleus dominent. Au-dessus du couloir, sur la partie du balcon faisant face au porche d’entrée, une belle tapisserie du XVe siècle, appartenant à l’hôpital, pend étalée : c’est un semis de fleurettes sur fond gros-bleu, avec des animaux juchés on ne sait comme parmi les reines-des-prés, les œillets et les pâquerettes, et ce parterre en hauteur encadre saint Eloi dans l’accomplissement de son célèbre miracle : on le voit, robuste ouvrier, pour mieux ferrer son cheval et se faire connaître d’un apprenti négligent, couper sans façon le pied de l’animal, en attendant qu’il le rajuste à la jambe et remette toutes choses en leur place, par un privilège de sainteté.

Le reste du pourtour est revêtu de tapisseries des XVIIe et XVIIIe siècles : ce ne sont plus que figures géantes sur fonds bleus ou jaunes, verdures fantasques, frondaisons violettes,