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et qui essaient encore aujourd’hui, très maladroitement, de contester cette vérité. Il s’est montré à l’histoire tel qu’il était, et les élémens pour le juger ne feront pas défaut. Nous en avons déjà un nombre presque suffisant : ses Mémoires nous en apporteront sans doute un contingent nouveau et qui sera le bienvenu. Rien ne remplace sa propre parole. Lorsqu’elle est sincère, — ce qui, bien entendu, n’arrive pas toujours, — elle atteint les dernières limites de la franchise, et elle a par surcroit quelque chose de pittoresque, d’incisif, de corrosif qu’il est impossible d’imiter. Elle grave à l’eau-forte et d’un trait ineffaçable. Si vraiment M. de Bismarck, qui s’est tant prodigué en conversations pendant sa vie, a encore quelque chose à nous dire, nous l’attendons avec un intérêt bien naturel. Indépendamment du rôle qu’il a joué, peu d’hommes ont été plus intéressans. Mais d’autres, très intéressans aussi de leur vivant, ont si étrangement trompé la postérité avec leurs confidences posthumes, qu’il convient d’attendre avant de se prononcer.


Tournons-nous, en attendant, d’un côté où nous n’avons que des sympathies à éprouver et à exprimer : nous voulons parler de la Hollande. Elle est à la veille de célébrer de grandes fêtes, où tous les souvenirs de son histoire se presseront dans les esprits. La jeune reine Wilhelmine atteint en ce moment sa majorité politique, fixée à dix-huit ans par la constitution. Elle est la dernière héritière d’une grande race. On sait que le dernier roi des Pays-Bas, Guillaume III, a vu mourir successivement les trois fils qu’il avait eus d’un premier mariage. La situation devenait, sinon critique, au moins obscure et incertaine. Le roi contracta un nouveau mariage avec la princesse Emma de Waldeck-Pyrmont, et de ce mariage naquit, le 31 août 1880, la reine Wilhelmine. Un dernier rejeton venait à naître du vieil arbre historique, rejeton encore bien frôle alors, autour duquel se groupaient les espérances du pays. Un enfant du sexe féminin représentait l’antique maison d’Orange-Nassau, remontant au comte Othon de Nassau qui vivait en 1290, et dont les membres les plus illustres furent le Grand Taciturne, l’adversaire de Philippe II d’Espagne, les princes Maurice et Frédéric-Henri, les valeureux chefs d’armée et stathouders des Provinces-Unies, et Guillaume, stathouder de Hollande et de Zélande et roi d’Angleterre. Il était difficile de réunir plus de gloire autour d’un berceau. Le roi Guillaume III vécut encore dix ans : il est mort en novembre 1890, après un règne qui a été heureux pour la Hollande et lui a laissé des souvenirs reconnaissans.