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surplus, légitimes et il les partage. « J’ai une humeur de dogue contre ton Maréchal. J’ai enfin vu, ce matin, sa fameuse lettre aux ducs d’Havre et de Gramont. Je ne crois pas que jamais absurdité pareille ait sali du papier. Vous avez tous entendu ce que je lui ai dit, il y a eu hier huit jours : que j’entendais que mes grands officiers, étant censés être mes aides de camp, continuassent à être portés sur l’état-major général. Je n’ai nommé, il est vrai, que le duc d’Aumont, parce que c’était lui que j’avais le plus en vue. Mais je m’étais servi de l’expression générique de grands officiers ; jamais je ne me serais avisé de parler des capitaines des gardes, parce qu’il va sans dire que le commandant actuel d’un corps est par cela même en activité. Point du tout ! M. le Maréchal distingue une activité de l’autre. Il les met dehors d’une façon, dedans d’une autre, et, suivant sa pointe, il mande à leurs aides de camp d’aller chercher fortune…

« Ecoute, je t’ai déjà dit avant-hier que cela me déplaisait ; je te le répète un peu plus fort aujourd’hui et j’ajoute que j’entends que cela soit changé. Rends au Maréchal le service de l’engager à le changer de bonne grâce. Sans cela, il faudra que je le lui dise. Ce sera sûrement avec des formes polies. Mais je ne réponds pas que le ton de ma voix ne se ressente un peu de la disposition de mon âme… Je n’ai pas besoin de mettre par écrit de plus longues réflexions… Mais je te déclare que je n’entends pas être le roi de carreau. »

Entre temps, sa correspondance quotidienne s’alimente de menus faits dont il est occupé et préoccupé non moins que de certains autres plus importans. Les Mémoires de Lauzun viennent de paraître et menacent la cour d’un scandale. « Je ne sais ce qu’il y a à faire. Mais, si nous pouvons les anéantir, il faut le faire, surtout à cause de la Reine. Il sied bien à cet homme de se vanter de ses bonnes fortunes. Il était impossible d’être plus amusant qu’il l’était. Moi qui te parle, je serais resté vingt-quatre heures à l’écouter. Mais, sous un autre rapport, sa réputation était entièrement nulle. »

Un autre jour, il est question d’élever à Jarnac un monument à la mémoire de Louis de Bourbon, premier Prince de Condé. « Pourquoi rappeler ces temps affreux ? s’écrie le Roi. Tout me déplaît, le monument en lui-même, la personne à laquelle il est consacré et l’inscription qui doit en faire l’éloge. Louis de Bourbon avait certainement du mérite. Mais quel usage en fit-il ? Il fut