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dit en passant[1], En six ans, Dildo a produit plus de 2 milliards de larves de homard, et les pêcheurs de la région apprécient vivement les efforts qui sont faits pour enrichir leur domaine.

De résultats tangibles, je n’en connais point encore. Remarquez en effet qu’un homard de taille marchande a cinq ans d’âge en moyenne, et que l’expérience n’a pas encore suffisamment duré pour qu’on puisse juger de ses conséquences. D’ici à deux ou trois ans, toutefois, on devra s’apercevoir de celles-ci. dans le cas probable où elles seront satisfaisantes.

Revenons aux poissons. De l’esturgeon, qui se péchait naguère avec quelque abondance à l’embouchure du Delaware, il y a peu de chose encore à dire. Ce poisson, on le sait, est anadrome : il vit en mer, mais vient se reproduire et passer un temps assez long dans les eaux douces ; on le pêche surtout dans les rivières, bien que, en Russie, où il est très abondant, on le pèche aussi et surtout en eaux salées, dans la Caspienne. Depuis peu, on a entrepris des essais de multiplication artificielle aux États-Unis, dans la baie du, Delaware. M. Bashford Dean a montré que la fécondation artificielle des œufs de l’esturgeon est extrêmement facile, et n’exige que des précautions élémentaires. Ces œufs sont très robustes et résistans : ils s’accommodent de conditions qui ne conviendraient pas aux œufs d’autres espèces. Mais ils présentent aussi des exigences particulières. Peu de temps après la fécondation, ils sont le siège d’une transformation spéciale qui fait qu’ils s’agglomèrent et s’agglutinent en une masse compacte, avec ce résultat que, si les œufs de la périphérie peuvent encore trouver assez d’air dans l’eau ambiante, ceux des parties centrales de la masse, sans contact avec l’eau, sont prives du moyen de respirer, et périssent. A l’état de nature, cet inconvénient ne se présente pas : les œufs sont pondus en chapelets minces qui se brisent et s’étirent ; le courant les entraîne ici et là, et la particularité qui en rend le maniement difficile dans le laboratoire leur est au contraire favorable dans les conditions naturelles. Ces chapelets, par suite de leur viscosité, s’attachent à droite et à gauche aux pierres du fond, aux herbes qui ondulent sous l’eau, aux débris de bois qui passent, et ils sont éparpillés en tout sens, au lieu de s’attacher les uns aux autres et de s’étouffer mutuellement. Il y a donc lieu de se préoccuper de cette particularité des œufs dans la culture artificielle

  1. Pour les détails, voir la belle monographie du homard, par M. Herrick, publiée par la Commission des Pêcheries des États-Unis (Bulletin. 1895).