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chacun quatorze douzaines par jour[1]. » En 1892, M. Dannevig confirmait pleinement les faits qui viennent d’être énoncés, en y ajoutant ceci, qu’en bien des points les pêcheurs constataient l’apparition d’une grande abondance de poissons étrangers et de variétés de morue qu’ils ne connaissaient point, ou dont les visites étaient très rares. Comme les poissons étrangers dont il s’agit sont précisément les espèces cultivées par M. Dannevig, et que leur présence a été constatée dans les parages où les alevins ont été confiés à la mer, il est permis d’attribuer ces résultats aux opérations de pisciculture.

Et maintenant, traversons l’Atlantique de nouveau. C’est un voyage sans attrait, car c’est au milieu des brumes de Terre-Neuve qu’il le faut achever, dans la baie de la Trinité, en face du petit port de Dildo. Un îlot s’y rencontre, où, en 1889, le gouvernement terre-neuvien a établi, lui aussi, un établissement de pisciculture : le quatrième dans l’ordre chronologique, puisque sa fondation est postérieure à celle des laboratoires de Gloucester, Wood’s Holl, et Flödevig.

La raison qui a déterminé la fondation de cet établissement est la même que dans les autres cas : l’appauvrissement des fonds de pêche et l’espoir de les reconstituer. La direction en a été confiée dès le début à un pisciculteur fort expert, M. Adolphe Nielsen.

Le laboratoire de Dildo s’occupe principalement de la culture de la morue. Planté dans une petite île, au fond d’une anse qui le protège contre les impétuosités de la vague, il est fort bien aménagé. Les morues adultes et mûres sont pochées dans la baie, dès que les glaces hivernales ont disparu, et placées dans un bassin d’élevage. Ce bassin est alimenté en eau sans cesse renouvelée qu’une pompe va puiser à 90 mètres de distance, à 9 ou 10 mètres de profondeur : cette pompe est actionnée tantôt par une machine à vapeur, tantôt — quand le temps le permet — par un moulin à vent. Mises dans ce bassin au nombre de 1 500 environ au commencement de la saison (fin de mai, première quinzaine de juin), les morues sont nourries de harengs, d’autres poissons communs, d’encornets, que les pêcheurs leur apportent chaque jour ; elles pondent à loisir, et les œufs, qui viennent flotter à la surface — après fécondation — sont transportés dans des cloches spéciales,

  1. Cité dans Notes sur la Pisciculture marine et son application rationnelle aux côtes françaises de la Manche, par M. Eugène Canu (Annales de la Station aquicole de Boulogne-sur-Mer, 1894).