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pour les compagnies de navigation, et une baisse légère leur eût encore laissé quelques bénéfices. A la suite du désaccord entre les diverses lignes et de la rupture du syndicat qui les unissait, les cours s’effondrèrent, en février, à 28 francs. Des taux aussi bas ne paraissent pas pouvoir se maintenir longtemps, et un prix d’environ 40 francs par tonne pour le transport de Shanghaï à Londres ou Hambourg par mer semble normal ; pour le Havre, Gênes et Marseille il faut le majorer de 2 sh. 6 pence ou 3 fr. 75.

Si elles empruntaient la voie du Transsibérien, les marchandises qui sortent aujourd’hui par Shanghaï devraient en premier lieu gagner Port-Arthur en bateau. Même en ne tenant pas compte des dépenses qu’entraînerait ce petit parcours maritime, il faudrait que leurs frais de transport par chemin de fer en Allemagne, en France ou en Angleterre ne s’élevassent pas à plus de 40 francs par tonne, sans quoi elles auraient avantage à prendre la voie maritime. Pour 11 000 kilomètres de voie ferrée, 40 francs par tonne font moins de 0 fr. 0036 par kilomètre, environ un tiers de centime la tonne kilométrique. Les tarifs les plus bas dans le monde entier sont aujourd’hui doubles, et, à ce taux, aucun chemin de fer ne pourrait couvrir ses frais d’exploitation.

Certaines marchandises fines paient sans doute des frets mari- times beaucoup plus élevés : telle est la soie qui n’atteint Lyon ou Milan par Marseille ou Gênes qu’après avoir été grevée de 50 francs par 100 kilogrammes, ce qui représenterait 4 centimes et demi par tonne kilométrique sur le chemin de fer, mais aussi c’est un produit qui exige des soins particuliers. Peut-être pourrait-il cependant gagner par cette voie Moscou, où des fabriques de soieries fondées, en général, par des Français ont pris, dans ces dernières années, une grande importance. Une autre denrée, le thé dont il se fait une si grande consommation en Russie, est dès aujourd’hui transportée en partie par voie de terre, mais grâce seulement à un tarif différentiel très considérable qui frappe le poud de thé (16kil, 380) de 84 francs lorsqu’il arrive par mer à Odessa, quelle qu’en soit la qualité, au lieu de 52 francs pour le thé en feuilles et de 6 francs pour le thé en briques, lorsque l’entrée a lieu par Kiakhta et la Sibérie. Grâce à ce régime artificiel, sur 2 142 000 pouds de thé importés en Russie en 1892, il en était venu 700 000 par Odessa, 1 217 000 dont 800 000 de thé en briques par la Sibérie, et 126 000 par d’autres voies. Le chemin de fer une fois ouvert, les thés se rendront à Port-Arthur en bateau