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de plus de 9 000 kilomètres. Une place de luxe dans un grand express européen jusqu’à l’entrée en Russie portera les frais de chemin de fer à un total de 450 francs. Ajoutons encore les dépenses d’entretien des voyageurs, qui sont comprises dans le prix des passages en mer, mais non dans les billets de chemin de fer, soit 200 francs, puis les frais de transport en bateau de Port-Arthur à Shanghaï, soit 150 francs, ou à Hongkong, soit 300 francs, ce qui est largement compté ; nous avons ainsi un total de 800 francs pour la Chine du nord (et de même pour le Japon), de 950 pour la Chine méridionale. C’est bien environ la moitié des dépenses actuelles.

Reste la question du confortable. Personne n’a jamais passé quinze jours de suite en chemin de fer, — il n’y a pas de trajet d’une longueur pareille aujourd’hui, — et nombre de gens redoutent un peu l’effet de ces trois cent soixante heures de trépidation continue sur leur organisme. Cependant bien des Américains restent couramment de cinq à six jours consécutifs dans un train ; pareille épreuve serait insupportable dans nos wagons de France, mais, avec un matériel bien compris, ces longs voyages n’ont rien de très pénible. Les Russes, vivant dans un pays où les distances sont grandes, ont su, comme les Américains, résoudre le problème, et ont adopté pour le Transsibérien l’un des plus excellens matériels qui soient au monde. Un couloir latéral et des communications de wagon à wagon permettent de circuler d’une extrémité du train à l’autre, en même temps que les voyageurs d’un compartiment de première ou de seconde peuvent s’isoler en enfermant la porte. En troisième, aussi bien qu’en première, tout le monde peut s’étendre pour la nuit. En première classe, où l’on ne place que quatre voyageurs par compartiment, chaque banquette forme une première couchette et une autre au-dessus est relevée le jour contre la paroi et rabattue la nuit ; en seconde, l’organisation est analogue ; en troisième on a pu obtenir huit couchettes, les wagons étant assez hauts pour en placer trois superposées de chaque côté ; deux autres se rabattent devant l’une des fenêtres. Mais ici ce sont de simples panneaux de bois sur lesquels les voyageurs se roulent dans leurs couvertures ; le seul reproche qu’on puisse faire à l’administration, c’est de ne point fournir de draps en première, comme elle le fait en Russie d’Europe, moyennant un supplément de prix insignifiant. Ainsi donc, on peut se coucher la nuit, se délasser un peu