Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Baïkal en bateau. Il reste donc, en laissant toujours de côté la ligne de Mandchourie, qui doit remplacer celle de l’Amour, 217 millions de roubles ou 579 millions de francs qui se répartissent ainsi : 125 millions de francs, soit 95 000 francs par verste, de Tcheliabinsk à l’Obi ; 195 millions, soit 109 000 francs par verste de l’Obi à Irkoutsk ; 21 millions pour la petite section d’Irkoutsk au Baïkal et la traversée du lac ; 142 millions, soit 133 000 francs par verste du Baïkal à Strietensk, enfin 96 millions, soit 133 000 francs par verste, pour la ligne de l’Oussouri. Ces chiffres sont évidemment très inférieurs à ceux que l’on voit pour les chemins de fer de l’Europe occidentale ; ils ne sont pas, cependant, particulièrement bas, étant donnés l’absence de toute difficulté naturelle en Sibérie occidentale et dans une grande partie de la Sibérie centrale, le bon marché de la main-d’œuvre, et la réduction à presque rien des frais d’expropriation. Dans des conditions analogues, les chemins de fer de l’Ouest Américain ont été généralement construits à meilleur marché. Mais ces chiffres, que nous venons de citer, ne sont que des prévisions faites en 1891 ; bien qu’on ne possède encore que des renseignemens très sommaires sur les frais exacts de construction des sections déjà achevées ou près de l’être, il est certain qu’ils ont été notablement dépassés. Si l’excès de dépenses est faible, semble-t-il, en Sibérie occidentale, il devra atteindre au moins 20 millions de roubles ou plus de 50 millions de francs pour la section Obi-Irkoutsk et autant pour celle de Transbaïkalie, portant le prix de la verste à plus de 140 000 et de 180 000 francs, ce qui apparaît comme fort élevé.

Il convient de n’écouter qu’avec méfiance tout ce qu’on dit en Sibérie sur le chemin de fer. Il court les histoires les plus extraordinaires. N’ai-je pas entendu répéter à plusieurs reprises, et par des gens sérieux se disant bien informés, que la plus grande ville de Sibérie, Tomsk, avait été laissée à 80 kilomètres au nord du chemin de fer et avait dû se contenter d’un embranchement fort mal construit parce que ses habitans ne s’étaient pas montrés assez généreux à l’égard des fonctionnaires chargés des études ! Il va sans dire que je n’ajoute pas foi à ce conte ; mais il montre en quelle médiocre estime on tient en Sibérie les tchinòvniks et tout ce qui s’y rattache. Il faut avouer que la partie asiatique de l’Empire est un peu restée le refuge de la corruption administrative dont Alexandre II et Alexandre III surtout ont en grande partie purgé la Russie d’Europe, et, sans estimer autrement