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points : détails du tracé ; exécution proprement dite des travaux ; gestion financière. Les premières sont souvent justifiées : les ingénieurs russes, peu habitués aux montagnes, paraissent en avoir eu peur et ont en maints endroits traîné la ligne dans des marécages, alors que des hauteurs toutes voisines permettaient de l’établir dans d’excellentes conditions à flanc de coteau : si les eaux ont emporté la voie en tant de points de la Transbaïkalie, c’est à cette erreur qu’il faut l’attribuer. En d’autres endroits on semble avoir construit des remblais considérables, sans s’être rendu compte du terrain qui les portait. A la descente dans la vallée de l’Iénisséi l’un d’eux, à la fois en courbe et en forte pente, a déjà absorbé trois fois plus de terre qu’on ne l’avait prévu ; il glisse encore, et les trains n’y peuvent marcher qu’avec une lenteur extrême. En résumé, la principale difficulté à vaincre, la nature marécageuse du sol, n’a pas été très heureusement surmontée.

L’exécution proprement dite des travaux paraît au contraire satisfaisante en général, et ne mérite pas les mêmes critiques. En Transbaïkalie, j’ai pu voir par mes propres yeux comment ils s’étaient comportés pendant les plus grandes inondations et les pluies les plus torrentielles qu’on y ait vues depuis quarante ans. Ils ont bien supporté ces épreuves, et les remblais ont parfaitement résisté au choc des eaux, à l’exception de ceux qui, placés trop bas, ont été recouverts. Les traverses ne sont pas injectées, ce qui les rendra plus sensibles aux intempéries ; mais le bois n’est pas cher en Sibérie et on l’a presque partout sous la main ; il sera donc aisé de les remplacer. Le ballast aussi est souvent insuffisant, surtout dans les plaines de l’ouest, mais guère plus qu’en Amérique. Il est donc probable qu’on devra quelque jour dévier la voie en un certain nombre de points pour l’écarter de marécages qu’on a eu le tort de lui faire traverser, mais il n’y a nullement à envisager la réfection prochaine d’une portion notable de la ligne. Du reste, ses promoteurs ont jugé avec beaucoup de clairvoyance que l’important était de passer le plus tôt possible de l’Europe au Pacifique, quitte à perfectionner plus tard tels ou tels points défectueux.

Les frais de construction du Transsibérien avaient été évalués d’abord à 350 millions de roubles ou 933 millions de francs. Mais la section de Strietensk à Khabarovsk, qui devait coûter 118 millions de roubles, a été depuis abandonnée, et l’on compte réaliser une économie de 14 à 15 millions de roubles en traversant le