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de droits de douane et divers privilèges que le gouvernement russe accorde avec raison à ces pionniers d’une voie commerciale nouvelle, elle espère que la période des tâtonnemens est close et qu’un mouvement d’échanges régulier va s’ouvrir. Malgré la brièveté de la saison de navigation, qui ne comprend dans cette partie de l’océan Glacial que les deux mois d’août et de septembre et ne permet qu’un ou deux voyages par an, cette voie d’accès peut acquérir une très sérieuse importance. Elle reste cependant trop peu de temps ouverte pour pouvoir remplacer le chemin de fer et ne permet d’ailleurs d’atteindre qu’une portion de la zone habitable de la Sibérie. L’exécution de la voie ferrée de l’Europe au Pacifique reste la condition nécessaire du développement des possessions asiatiques de la Russie aussi bien que de l’affermissement de son influence en Extrême-Orient.


II

Si l’idée en est née dès 1850, c’est seulement sous le règne d’Alexandre III que le projet du Transsibérien a pris corps définitivement. On comprend aisément qu’on ait reculé, vers le milieu du siècle, devant l’exécution d’un pareil chemin de fer à travers un pays sauvage et mal connu. Du moins un pas important fut-il fait par la construction de la voie ferrée de l’Oural, dont l’ouverture, en 1880, réunit Perm, sur la Kama, le plus grand affluent du Volga, à Tioumen, sur le Tobol qui se jette dans l’Irtyche, le plus important des tributaires de l’Obi. Des raisons d’intérêt local, la nécessité de donner un débouché aux importantes mines d’or et de fer de l’Oural avaient fortement contribué à faire exécuter ce chemin de fer ; mais il n’en avait pas moins une grande importance pour la Sibérie, puisqu’il permettait, en combinant les transports par voie ferrée et par eau, d’établir, pendant cinq à six mois de l’année, une communication à vapeur, relativement économique, allant jusqu’à Tomsk, c’est-à-dire jusqu’à 1 500 verstes à l’est de l’Oural.

Peut-être l’achèvement de ce tronçon nuisit-il d’abord à la cause du Transsibérien. La jonction des affluens navigables de l’Obi à ceux du Volga accomplie, beaucoup de gens se rallièrent à l’idée de relier la Russie à ses possessions d’Extrême-Orient en faisant communiquer de la même manière le bassin de l’Obi avec celui de l’Iénisséi, puis ce dernier avec le versant du