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Les Prussiens menèrent vivement la poursuite. Ceux des fuyards de l’aile droite (corps Lobau et d’Erlon, jeune garde, cavaliers de Domon, de Subervie, de Jacquinot) qui, serrés de trop près ou coupés de leur ligne de retraite, n’avaient pu rejoindre et dépasser les carrés du 1er grenadiers formant l’arrière-garde, furent sabrés ou faits prisonniers. A l’aile gauche, un certain nombre de cuirassiers, que leurs chevaux étaient encore en état de porter, et les lanciers de Piré qui n’avaient fait qu’escarmoucher durant la bataille, gagnèrent les Quatre-Bras, sans être inquiétés, par Neuve-Court, Malplaquet et Vieux-Genappe. Cinq ou six mille fantassins du corps de Reille, ralliés à la chute du jour, se dirigeaient vers Genappe à travers champs, à une demi-lieue environ parallèlement à la grande route. Il suffit de quelques escadrons prussiens pour les disperser. Sauf trois compagnies du 93e qui firent face en tête et repoussèrent les charges, toute cette masse s’éparpilla. Des soldats jetaient sacs et fusils pour courir plus vite, justifiant trop bien le vieux dicton : « Français plus que hommes au venir, moins que femmes à la retraite. » On n’écoutait plus les chefs, la panique commandait l’armée.

Seule la vieille garde restait digne d’elle. Les chasseurs et les lanciers de Lefebvre-Desnoëttes, le régiment des grenadiers à cheval qui avait quitté le champ de bataille au pas, et faisant si fière contenance que la cavalerie anglaise n’avait pas osé l’aborder, se retirèrent en ordre à l’ouest de la grande route et atteignirent les Quatre-Bras sans subir de nouvelles pertes. Sur la grande route même, les Prussiens étaient contenus par les deux carrés du 1er grenadiers que précédait le 1er bataillon du 1er chasseurs. Les grenadiers continuaient à marcher au pas ordinaire, défiant toutes les attaques. Ne pouvant mordre, la meute prussienne finit par se lasser et se borna à suivre hors de la portée des fusils. A une demi-lieue de Genappe, le général Petit, ne jugeant même plus nécessaire de conserver l’ordre de combat, fit rompre les carrés et marcher en colonne par sections. C’est à ce moment que l’Empereur s’éloigna du 1er bataillon de chasseurs pour gagner Genappe où il espérait arrêter l’ennemi et rallier les débris de l’armée.