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une nouvelle charge de cavalerie ou une nouvelle attaque d’infanterie. Dans cette héroïque retraite, la garde marchait littéralement entourée d’ennemis, comme à l’hallali courant le sanglier parmi la meute. Il y avait contact si étroit que, malgré les bruits multiples du combat, on se trouvait à portée de la voix. Au milieu des coups de feu, des officiers anglais criaient de se rendre à ces vieux soldats. Cambronne était à cheval dans le carré du 2e bataillon du 1er chasseurs. C’est alors que le désespoir au cœur, étouffant de colère, exaspéré par les incessantes sommations de l’ennemi, il dit rageusement : « M. ... ! « Peu d’instans après, comme il allait atteindre avec son bataillon les sommets de la Belle-Alliance, une balle en plein visage le renversa sanglant et inanimé.


X

Pendant le dernier assaut de Mont-Saint-Jean, la moitié du corps de Pirch (divisions Tippelskirch et Krafft et cavalerie de Jurgass) avait rejoint Bülow mis on désarroi. Aussitôt, Blücher ordonna une reprise d’attaque générale contre tout notre flanc droit. Dans Plancenoit même, la jeune garde de Duhesme et les deux bataillons de vieille garde de Morand et de Pelet restèrent inexpugnables. Mais sur le prolongement de ce village, l’infanterie de Lobau et la cavalerie de Domon et de Subervie plièrent devant les 15 000 hommes de Hacke, de Losthin et du prince Guillaume ; elles furent culbutées quand la division Steinmetz et la cavalerie de Röder, débouchant de Smohain en donnant la chasse à Durutte, les abordèrent sur leur liane. Les masses françaises, espacées, un quart d’heure auparavant, de la route de Nivelles, aux ravins de Papelotte et de Plancenoit, refluèrent en même temps sur le plateau autour de la Belle-Alliance. A leur suite, sabrant, fusillant, poussant des hurrahs ! accouraient d’un côté les Anglais, de l’autre les Prussiens. Les deux mâchoires de l’étau se refermaient sur la foule éperdue et sans défense qui avait été l’armée impériale.

Dans cette effroyable cohue, chacun pousse et bouscule pour fuir plus vite. Des cuirassiers démontés jettent leurs cuirasses, des conducteurs coupent les traits des attelages, des hommes sont piétinés. On trébuche parmi les chevaux morts, les caissons renversés, les canons abandonnés. Les ombres de la nuit qui