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dit-on, les cuirassiers en mouvement sur les hauteurs de la Belle-Alliance. Il se détermina à agir avec ce qu’il avait. A quatre heures et demie, les Prussiens débouchèrent : l’infanterie de Losthin à droite du chemin de Plancenoit, l’infanterie de Hiller à gauche, le front couvert par deux régimens de cavalerie et trois batteries légères. Blücher se hûta de faire canonner les escadrons de Domon. Il voulait, dit Gneisenau, avertir et affermir Wellington en même temps qu’empêcher Napoléon d’accabler les Anglais.

Domon opposa d’abord l’offensive à l’offensive. Il culbuta les hussards prussiens, fondit sur les batteries. Foudroyé par leur feu et par la fusillade de toute la division Losthin, il se replia lentement, puis, passant en réserve, il démasqua l’infanterie de Lobau. A la première alerte, Lobau s’était porté par le chemin de Lasne à environ une demi-lieue à l’est de la route de Bruxelles, sur la position qu’il avait reconnue précédemment. Ses deux divisions déployées l’une derrière l’autre se trouvaient là en potence, presque perpendiculairement à la ligne de bataille. Pour le remplacer sur le front, l’Empereur fit avancer la garde à pied près de la Belle-Alliance, à la droite de la route de Bruxelles, sauf le 1er régiment de grenadiers qui resta près de Rossomme et le 1er bataillon du 1er chasseurs posté au Caillou. Il donna aussi l’ordre à Durutte d’assaillir Papelotte et La Haie afin de seconder la grande attaque de Ney et de couper la communication entre la droite de Bülow et la gauche anglaise.

Lobau, sachant bien que toute résistance passive est virtuellement condamnée, poussa droit aux Prussiens qui plièrent. Les divisions Ryssel et Hacke débouchèrent à leur tour des bois. Les Prussiens reprirent l’offensive : 30 000 contre 10 000 Français. Mais Lobau avait des régimens d’ancienne formation, solides comme des rocs. Le 5e de ligne, le premier régiment qui se fût donné à Napoléon, dans le défilé de Laffray, et le 10e de ligne, le seul qui eût combattu pour les Bourbons au pont de Loriol, rivalisaient d’entrain et de ténacité. Avec ces belles troupes, Lobau faisait si fière contenance que Blücher, au lieu de s’obstiner dans son attaque parallèle, manœuvra pour déborder la droite du 6e corps. La cavalerie du prince Guillaume de Prusse et l’infanterie de Hiller, soutenues par la division Ryssel, se portèrent vers Plancenoit. Lobau craignit d’être tourné ; il recula jusqu’à la hauteur du village qu’il fit occuper par une brigade. Assaillie sur trois