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réglée avec la cour de Rome. M. le vicomte de Richemont a découvert dans les archives du saint-siège une liasse de ses lettres et les minutes des réponses du cardinal secrétaire d’État, et cette correspondance bilatérale, qui va du 29 août 1791 au 21 mai 1792, fait foi que si l’abbé de Salamon ne fut pas un internonce en titre, il exerça réellement les fonctions de l’emploi, qu’il a été charge pendant la Révolution des affaires du saint-siège à Paris[1].

Quoique l’Assemblée nationale eût interdit de publier, d’imprimer, de colporter des actes émanés de la cour de Rome, il transmit aux archevêques métropolitains et répandit dans le public les brefs du pape contre la constitution civile du clergé. Ce fut lui qui notifia au cardinal de Brienne, archevêque de Sens, le décret qui le retranchait du sacré-collège et lui interdisait de porter la pourpre. Ce fut par ses soins que le roi et la reine reçurent deux copies manuscrites, dans les deux langues, de la protestation du souverain pontife contre l’occupation d’Avignon et du Comtat-Venaissin. Il faisait insérer dans les journaux toutes les informations auxquelles le saint-siège désirait donner quelque publicité, et, comme il savait se servir de tout le monde, il avait à sa solde, dans l’occasion, des journalistes démocrates. Il était en relation avec le comité des évêques réfractaires, réunis à Paris, qu’il rappelait parfois à l’observation des vrais principes. Le cardinal de Zelada lui demandait souvent son avis sur les questions du jour, et il prenait plaisir à prodiguer des conseils, qui à la vérité n’étaient pas toujours suivis. Mais sa principale occupation était de remplir consciencieusement ses devoirs d’informateur. Il avait affaire, écrivait-il dans ses Mémoires, « à un pape très curieux, qui désirait qu’on lui envoyât toutes les caricatures et tous les livres récemment parus, fussent-ils dirigés contre sa personne. » Avec des caisses contenant jusqu’à cent trente volumes, il expédiait des brochures, des estampes, des journaux, des numéros du Père Duchesne, et ses envois étaient accompagnés d’une gazette politique, rédigée par lui, qu’au témoignage du cardinal, on lisait à Rome « avec un véritable plaisir. »

Ne plaignant ni ses pas ni ses peines, très répandu, très allant, il était à même de se renseigner. Il avait de nombreuses et belles relations ; il fréquentait, nous dit-il, la meilleure société de Paris. Son portrait, conservé au musée Calvet, le représente en magistrat du Parlement, portant le rabat et la robe noire aux larges manches brodées

  1. Correspondance secrète de l’abbé de Salamon, chargé des affaires du Saint-Siège à Paris pendant la Révolution, , avec le cardinal de Zelada, publiée par le vicomte de Richemont, 1898 ; librairie Plon.