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Tous les portraits d’Hélène et les compositions parfois assez libres où elle figure comptent, en effet, parmi les plus brillantes productions de Rubens. D’ailleurs, malgré cette passion qu’il ressentait pour sa jeune femme, les deux fils de son premier mariage ne cessèrent pas d’être l’objet de son affection la plus tendre. Dans les dispositions qu’il prenait à son lit de mort, non seulement il montrait envers eux les sentimens les plus équitables, mais, tenant compte de leurs goûts particuliers, il s’appliquait de son mieux à les satisfaire.

Ce qu’il a été pour les siens, Rubens devait l’être pour ses amis, pour ses confrères. Dans ses relations avec ceux-ci, aucune trace d’orgueil, ni de jalousie. Si précieux que fût son temps, si désireux qu’il fût de le bien employer, il ne manquait pas, suivant de Piles, « d’aller voir les ouvrages des peintres qui l’en avaient prié et il leur disait son sentiment avec une bonté de père, prenant quelquefois la peine de retoucher leurs tableaux. » Loin de les rebuter, il leur prodiguait ses encouragemens. Comme s’il voulait à force d’affabilité se faire pardonner son génie, il se plaisait à découvrir et à vanter les qualités de leurs œuvres et « trouvait du beau dans toutes les manières. »

Félibien confirme le témoignage de De Piles : « J’ai su, nous dit-il, et de personnes qui l’ont connu particulièrement, que, bien loin de s’élever avec vanité et avec orgueil au-dessus des autres peintres à cause de sa grande fortune, il traitait avec eux d’une manière si honnête et si familière qu’il paraissait toujours leur égal ; et comme il était d’un naturel doux et obligeant, il n’avait pas de plus grand plaisir que de rendre service à tout le monde. » Non content d’aider ses confrères de ses conseils, il cherchait à leur procurer des commandes. Sa femme et lui assistaient comme témoins à leur mariage, au baptême de leurs enfans et la plupart de ses collaborateurs étaient devenus ses amis, il servait de secrétaire à Brueghel dans sa correspondance avec le cardinal Borromée et, par une touchante attention, il s’efforçait d’accommoder son exécution à celle de son ami, peignant de sa touche la plus fine et la plus délicate les figures que celui-ci lui demandait d’introduire dans ses compositions. À la mort de Brueghel. il acceptait d’être le tuteur de ses filles, il s’occupait de leur avenir et les mariait à des artistes. Les deux dernières de ses lettres, qui nous aient été conservées, sont écrites très peu de temps avant sa fin (17 avril et 9 mai 1640) aux sculpteurs François Duquesnoy