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ce qui concerne l’étude de ses monumens devait, pendant longtemps encore, être prise en bloc, sans délimitation d’écoles ou de styles. Rubens, d’ailleurs, par son éducation, aussi bien que par son tempérament, était surtout porté vers l’art romain. Ce sont de préférence des épisodes de l’histoire romaine qu’il a traités : l’histoire de Decius Mus, celle de Constantin. La force, l’ampleur décorative, et la magnificence un peu pompeuse qui caractérisent son talent convenaient à de pareils sujets et les détails de costume ou de mobilier, les armes, les objets du culte qui figurent dans ses tableaux nous montrent l’abondance et la sûreté des informations qu’il possédait à cet égard. Sans jamais faire étalage de son érudition, il tire le parti le plus pittoresque de tous ces élémens, et avec une merveilleuse pénétration, il supplée par ses inventions personnelles à l’absence de documens positifs. Plus qu’aucun autre artiste, en tout cas, Rubens a contribué à fixer en nous l’idée que nous nous faisons encore aujourd’hui de la civilisation et de l’histoire romaines et, dans les évocations que nous en pouvons tenter, ce sont les images qu’il en a tracées qui s’offrent naturellement à nous, c’est à travers ses œuvres que nous les voyons.

La pratique et l’étude des textes, nous l’avons dit, venaient sur ce point très utilement en aide à Rubens. Il trouvait plus qu’un passe-temps dans la lecture, et sa bibliothèque était aussi riche que bien composée. Peut-être avait-il, après la mort de son frère, repris une partie de ses livres ; mais il ne cessa pas d’accroître ce premier fonds sans que cependant il lui en coûtât beaucoup et nous retrouvons là une nouvelle preuve de cet esprit d’ordre et de sage économie que déjà nous avons constata chez lui. Désireux de ne satisfaire ses goûts, même les plus élevés, qu’à condition de se créer lui-même les ressources nécessaires pour les contenter, c’est à son talent qu’il demandait les moyens de subvenir aux achats de livres qu’il luisait pour sa bibliothèque. De bonne heure, en effet, il avait été en relations amicales avec Balthasar Moretus, directeur de la célèbre imprimerie fondée à Anvers par Plantin. C’est pour lui que de 1608 jusqu’à la fin de sa vie, il dessina de très nombreuses compositions destinées à être gravées pour servir de frontispices ou d’illustrations aux livres édités par cette imprimerie. Les prix de ces dessins étaient très variables suivant que Rubens avait dû les livrer dans un délai très rapproché ou qu’on lui avait laissé le temps de s’acquitter de ces commandes à