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Le déficit de l’exercice 1S94 a été de 69 millions ; celui de 1895, 43 millions ; celui de 1896, 23 millions ; celui de 1897, 18 millions ; soit au total 155 millions en quatre ans. L’augmentation des dépenses publiques en a été une des causes. De 1886 à 1897, elles se sont accrues de 50 pour 100 ; elles vont se trouver singulièrement grossies du chef de la guerre. Mais l’élasticité de ce budget américain est telle que les déficits de cinq exercices consécutifs n’ébranlent pas la confiance que les nationaux et les étrangers ont dans le crédit du pays. On sent qu’une direction médiocre imprimée par le Congrès aux affaires financières n’atteint pas les sources vives de la prospérité publique, et que celles-ci jaillissent, chaque jour plus puissantes, d’un sol fécond et de l’activité intense d’une population énergique. Il faudrait se garder de conclure, de cette situation favorable, à l’excellence des lois de banque et de monnaie qui régissent les États-Unis. L’exemple prouve seulement que l’état monétaire d’un pays dépend de sa situation économique plus encore que de sa législation. Il n’y a guère de plus mauvaise organisation fiduciaire que celle des États-Unis : le système des banques nationales, dont les billets sont gagés par des rentes fédérales, est condamné par une expérience maintes fois répétée ; mettre à la base du billet, non pas une encaisse métallique et un portefeuille commercial de lettres de change, mais des obligations du gouvernement, est une idée fausse : les conséquences périlleuses n’en éclatent pas de prime abord, lorsqu’il s’agit d’un pays à crédit puissant ; mais une crise qui ébranlerait ce crédit aurait l’effet le plus désastreux sur des instrumens de circulation ainsi constitués aussi bien que sur les billets d’État émis à diverses reprises par le Trésor.

La situation monétaire d’un pays dépend, il est vrai, de son agriculture, de son commerce et de son industrie plus encore que de la législation spéciale qui la régit. Une bonne ou mauvaise loi de frappe, une circulation bien organisée ou l’abus du papier sont des facteurs essentiels dans la constitution de la monnaie d’un pays ; mais une situation budgétaire embarrassée amène un gouvernement à céder à la tentation de se procurer des ressources apparentes et éphémères par le monnayage d’un métal déprécié ou la création de papier-monnaie ; un état languissant de l’agriculture nécessite des importations de céréales qu’il faut payer en or et diminue par conséquent le stock métallique du pays ; si ce commerce,