Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dissimule plus aisément que la propriété foncière, et celle-ci se plaint alors de supporter une part trop forte de l’impôt. En outre, les États établissent souvent des taxes sur certaines professions, font payer des patentes, prélèvent un droit sur les successions en ligne collatérale, frappent les compagnies de chemins de fer, les banques, les sociétés. Cinq États seulement ont mis un impôt sur le revenu. Quelques-uns imposent les sociétés étrangères, c’est-à-dire qui n’ont pas été incorporées chez eux. Ils ne peuvent taxer aucune obligation fédérale. Cette disposition constitutionnelle a donné lieu parfois à de singulières difficultés, certains contribuables ne déclarant qu’un actif composé de titres intangibles. Les impôts pour compte de l’État, du comté et de la commune sont en général perçus par un seul collecteur, qui en fait ensuite la répartition entre les ayans droit. Beaucoup de constitutions d’État fixent le maximum de l’imposition qu’il est permis d’établir ; ainsi au Texas, c’est 0,35 pour 100 de la valeur des propriétés imposables ; au Dakota septentrional, 0,4 pour 100 ; au Montana, 0,3 pour 100 ; souvent elles défendent de voter des sommes à payer à des particuliers ou des corporations. Ces diverses dispositions ont pour but de mettre un frein aux gaspillages que les législatures ne sont que trop disposées à commettre.

Rien ne montre mieux les dangers que ces Parlemens locaux font courir aux finances qu’un coup d’œil jeté en arrière. Il y a soixante ans, lorsque les États du Centre s’ouvrirent à la civilisation, et vingt ans plus tard, lorsque les chemins de fer y pénétrèrent, ils se lancèrent dans une foule d’affaires dont ils attendaient de grands résultats, mais qu’ils étaient incapables d’administrer : compagnies commerciales, banques, entreprises de transports. Beaucoup d’entre elles échouèrent, laissant à la charge du public des sommes considérables : le total des dettes d’États s’est élevé, de 12 millions en 1825, à 353 millions de dollars en 1870. Si ce chiffre redescendit à 290 millions en 1880, puis à 223 en 1890, c’est que plusieurs États répudièrent leur dette.

Le mal avait été si grand, les abus si crians, que la plupart des États insérèrent alors dans leur constitution des articles aux fins de restreindre le pouvoir d’emprunter, ordonnant, par exemple, que les lois d’emprunt soient votées par une majorité des deux tiers ; qu’aucun emprunt ne puisse être appliqué à des travaux