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de l’avance d’un capital de 27 millions, qui avait été fourni par l’émission d’obligations 6 pour 100 fédérales, et des intérêts sur ce capital, déduction faite des sommes dues par le gouvernement pour transports. Cette ressource passagère est venue en aide à la Trésorerie au cours de l’exercice actuel : elle ne la dispense pas de se préoccuper de l’avenir. Bien que son dernier rapport soit daté de décembre 1S97, c’est-à-dire d’une époque où la guerre avec l’Espagne n’avait pas encore éclaté, M. Lyman Gage insistait avec une prudence prophétique sur les inconvéniens de l’état de choses actuel :

« Ces inconvéniens sont difficiles à chiffrer, disait-il ; mais il n’est pas déraisonnable de dire qu’ils ont amené des pertes supérieures au total même des billets du gouvernement qui sont en circulation. Si l’on nous répond que la situation présente de la Trésorerie est satisfaisant ; que l’or, loin de s’en échapper, y afflue ; et que notre position financière inspire une grande confiance, nous reconnaissons que cela est vrai. On peut même ajouter qu’il est vraisemblable qu’il en sera ainsi pour une période indéfinie. Avec des revenus suffisans pour faire face à nos dépenses, avec des excédens qui s’accumulent, avec des relations commerciales normales, avec d’abondantes moissons, sans guerre ni bruits de guerre fondés, nous pouvons marcher et sentir notre confiance s’accroître. Malheureusement on ne saurait nous garantir la permanence de cette situation... Aussi longtemps que le gouvernement contribuera pour une forte part à alimenter la circulation par l’émission directe de billets et y maintiendra une aussi grande quantité d’argent dont il garantit la parité avec l’or, notre commerce et notre industrie dépendront de la sagesse financière, de la prévoyance et du courage du Congrès... Nous dépensons des millions pour la marine, la défense des côtes. C’est une inconséquence d’agir ainsi lorsqu’on a une Trésorerie engagée en temps de paix au point que la panique éclaterait chez nous avant même que l’ennemi ait tiré le premier coup de canon. »

Si l’événement n’a pas justifié les craintes de M. Gage et si, grâce à une merveilleuse prospérité industrielle et agricole, les États-Unis n’ont pas éprouvé encore cette panique dont il les menaçait, le danger signalé n’en existe pas moins. Parmi les innombrables remèdes qui ont été proposés, ceux que M. Gage recommande se divisent en deux classes : ceux qui tendent à renforcer d’une façon permanente la réserve d’or ; ceux qui réduiraient notablement