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du Congrès pour l’écarter que personne, ni en Amérique ni au dehors, ne s’en préoccupe. Mais ce qui a été une cause de trouble incessant, ce qui, à des intervalles rapprochés, a provoqué des secousses fâcheuses dans la marche économique du pays, c’est la question monétaire et fiduciaire, c’est l’intervention du Trésor public dans un domaine où il devrait s’interdire à lui-même d’opérer : celui de la banque et de l’émission des billets. Il est déjà mauvais que la signature de l’État circule sur des centaines de millions d’engagemens à vue ; mais, lorsque la question se complique de celle de l’étalon, lorsque des accumulations de l’un des métaux précieux, dont il essaie de soutenir artificiellement le cours, font dépenser au Trésor en pure perte des sommes considérables, la confusion est à son comble, et un crédit aussi puissant que celui des États-Unis finit lui-même par en souffrir.


II


La préparation du budget n’a pas lieu aux États-Unis comme en Angleterre, où la Couronne seule, par l’organe du ministère, a le droit de demander des crédits. Le secrétaire de la Trésorerie soumet tous les ans au Congrès un rapport sur les recettes et les dépenses nationales, et la situation de la dette publique ; il y joint ses observations sur le système d’impôts et suggère les réformes qu’il croit devoir recommander à l’examen du Parlement. Dans ce qu’on nomme sa lettre annuelle, il indique les prévisions, dressées par les divers départemens, des besoins de l’année suivante. Son rôle s’arrête là. C’est désormais le Congrès qui est saisi ; c’est le comité permanent des voies et moyens, composé de onze membres, qui a seul qualité pour procurer les fonds. Son président est toujours un membre important de la majorité : c’est lui, en réalité, qui est le ministre des finances parlementaire, bien plus que le secrétaire de la Trésorerie. Le comité prépare et soumet à la Chambre les lois (bills) nécessaires pour établir de nouveaux droits ou continuer la perception des anciens : en ce faisant, il ne se préoccupe pas des dépenses à couvrir, par la raison qu’il ne les connaît point ; les estimations du secrétaire de la Trésorerie ne servent pas de base aux comités chargés d’ordonner les dépenses. D’ailleurs, l’objet des droits de douane, élément principal des recettes, a toujours été de protéger l’industrie américaine beaucoup plus que d’alimenter le budget.