Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/637

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’or dans les caisses du Trésor : dès le mois d’août suivant, la réserve tombait au-dessous du chiffre de janvier. Nombre de capitalistes européens, dont les placemens en valeurs américaines étaient alors estimés à 2 milliards et demi de dollars, vendaient leurs titres, sous l’influence des craintes que leur faisaient concevoir la mauvaise situation du Trésor, les grèves inquiétantes qui semblèrent mettre Chicago un moment aux mains des anarchistes, la faillite d’un grand nombre de compagnies de chemins de fer. D’autre part, l’énorme récolte de blé de 1894 se vendit à des prix très bas : le boisseau de 36 litres tomba à 49 cents, environ 2 fr. 35 ; For sortait de la Trésorerie au point qu’en février 1895 la réserve était descendue à 41 millions de dollars.

Le monde financier doutait encore une fois que les paiemens en or pussent être maintenus, lorsque le Président intervint et, par un traité conclu avec un syndicat de banquiers, sauva la situation : ce syndicat s’engageait à acheter, à 104 et demi, 62 millions d’obligations fédérales 4 pour 100 à trente ans d’échéance ; dans le cas où le Congrès autoriserait le paiement des intérêts et du capital en or, le syndicat se déclarait prêt à prendre la même somme en titres 3 pour 100 au pair. Il promettait de tirer d’Europe au moins la moitié du numéraire destiné à payer les titres, et de protéger la Trésorerie fédérale contre toute tentative de retraits d’or durant six mois. Le Congrès ayant refusé la clause « d’or », les banquiers reçurent les titres 4 pour 100 remboursables en métal (coin) ; l’opération réussit : le 8 juillet, la réserve d’or s’était relevée à 107 millions. Mais les derniers mois de l’année la virent diminuer de nouveau. Le 6 janvier 1896, il fallut recourir à un emprunt de 100 millions en 4 pour 100, grâce auquel la réserve, en avril, s’était relevée à 128 millions. Depuis lors elle n’est plus retombée au-dessous de la limite légale de 100 millions : elle est aujourd’hui de 170 millions. L’année 1896, où Mac Kinley fut élu président, a marqué le commencement d’une période prospère, que la guerre contre l’Espagne ne semble pas encore avoir arrêtée.

La conclusion qui se dégage de l’histoire des finances fédérales est aussi simple qu’instructive. Les États-Unis, au cours du dernier tiers de ce siècle, n’ont guère eu à lutter avec la difficulté chronique du déficit, qui ailleurs inquiète les peuples et cause le souci permanent des gouvernemens. Si ce déficit est apparu depuis quelques années, il suffirait d’un si léger effort de la part